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Poches La main du mort écrit

janvier 2023 | Le Matricule des Anges n°239 | par Jérôme Delclos

Exhumé par François Bon, le carnet de notes de Lovecraft (1890-1937) tenu de 1919 à 1934 : 220 frissons dans la nuit.

Dans une lettre datée de 1920, Lovecraft déclare tenir depuis peu un « commonplace book », « a repositary of gruesome and fantastick thoughts »« un registre de pensées horribles ou fantastiques » traduit François Bon, qui a établi le texte en 2015 à la John Hay Library de Providence où il est conservé. L’écrivain français note que le mot repositary désigne « l’entrepôt, le dépôt, en tout cas le vocabulaire commerçant du registre comptable ou juridique ». Et donc, « S’il fallait absolument traduire le titre, ce serait (…) « Registre de pensées horribles ou fantastiques » ». Une réserve où aller se servir, le dépôt de pièces du magasinier. Stephen King, dans sa préface au H.P. Lovecraft de Houellebecq (1991), note pour son propre compte ce qui pourrait s’appliquer à l’écrivain de Providence : « J’ai déclaré à telle ou telle occasion que le moment du « J’ai une idée d’histoire » survient lorsque l’on perçoit des choses extrêmement communes d’une façon complètement nouvelle, ou sous un jour neuf. (…) Quoi, je ne saurais l’expliquer, même après toutes ces années, mais ce que je peux dire, c’est que, parfois, c’est comme de recevoir une balle en pleine tête ».
Et de fait, à avancer dans le Commonplace book, on y retrouve les obsessions de son auteur en même temps que son génie, en une ou deux phrases voire seulement quelques mots, pour tirer le commun vers le pressentiment d’une horreur surnaturelle et imminente dont nous ne savons encore rien, mais qui déjà pointe son nez. Pour exemple « L’appel des morts – des voix ou sons familiers/dans la pièce voisine », ou « Un pont au-dessus d’une eau noire et visqueuse ». Et toujours, underground, l’indicible « hideux » qui attend son heure. Le plus étrange de ces miniatures qui, à chaque fois, occupent en bilingue l’une des 220 pages du livre composé par François Bon, réside dans leur charme de n’être encore que des étincelles pour telle ou telle histoire. Petit départ de feu, ou « balle en pleine tête » comme dit Stephen King en connaisseur. On sort encore du Commonplace book des notes de lecture, qui serviront pourquoi pas au thème récurrent chez Lovecraft du livre maudit. « D’horribles choses chuchotées dans les vers/de Gauthier de Metz (XIIIe siècle),/Image du Monde. » Et de minuscules récits de rêves, et parfois ce qui pourrait valoir pour un poème ou l’une de ses strophes : « Un très ancien colosse dans un très ancien désert./Le visage a disparu – personne pour l’avoir/jamais vu ».
On ne sait trop, c’est troublant, si ces bribes sont seulement du matériau pour l’écrivain Lovecraft ou si elles conservent, pour autant que cela fasse une différence, la trace des « choses horribles » qui hantaient l’esprit de l’homme. Sans doute plutôt ses idées pour des nouvelles et des romans à venir, comme on le vérifie dans les notes de bas de page du traducteur. Mais les fréquentes références à la ville de Providence brouillent la frontière entre la vie et l’œuvre. Pour preuve aussi ce souvenir, en octobre 1923, d’un voyage effectué six mois plus tôt : « A Marblehead – rêve – la colline aux tombes/– soir – irréalité ».
En un sens, Lovecraft dans les années 1920 invente le pitch. C’est aussi, qui nous émeut, qu’il est méconnu de son vivant et doit beaucoup produire, pour des pulps qui le payent mal. En témoigne par 220 fois, dans ce touchant carnet d’écrivain, « Ce qui surgit de l’œuf primordial ». On frissonne : « La main d’un homme mort écrit ». Ce qu’aujourd’hui nous lisons.

Jérôme Delclos

Commonplace book
H.P. Lovecraft
Édition bilingue établie, annotée et traduite
de l’anglais (États-Unis) par François Bon
Points, 254 p., 7,20

La main du mort écrit Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°239 , janvier 2023.
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