La perle de l’Empire, c’est le nom de l’Indochine. Nous sommes en 1950. Elle, elle est la « petite Blanche », désargentée, Zao est le fils héritier d’une famille aisée. Une grossesse non désirée les pousse à se marier et à quitter Cholon pour Paris. Zao trouve un poste à l’ambassade… au service courrier, « il se sentait comme dans l’antichambre de la société française ». Ici, seuls ceux qui ont fait leurs études en France ou en Angleterre occupent des postes importants. Zao a des aspirations, elle se morfond dans ce corps réduit à la maternité. Pour Zao, elle est sa « plus belle victoire, (sa) concession », s’il pouvait l’enfermer, l’empêcher de partir. Les scènes se succèdent, les corps ne se désirent plus, le mépris et la violence s’insinuent. « À présent, elle lui faisait honte, il trouvait son parler trop cru. »
Zao, un mari est une pièce montée de mariage déconstruite avec précision. Ils sont l’un pour l’autre vulnérables et cruels à la fois. Il la trouve très « classe ouvrière », il veut s’élever, quand elle n’est « que fugacité, jeu, moments éphémères et sans lendemains ». Sont-ils incapables de vivre ensemble, ou est-ce cette société conformiste qui les fragilise ? Petit à petit Zao assiste à sa perte d’identité, « désarmé, à son assimilation ». Il reste dans son for intérieur, l’élève indigène à qui l’on a martelé que sa culture était secondaire. Ils « ne se gênaient pas pour salir sa race, enragés qu’ils étaient depuis la défaite militaire de la France ». Au fil du récit, Myriam Dao affûte ses armes et ses personnages, installe son regard pénétrant sur la société française, tandis que croît une atmosphère de violence coloniale et conjugale. Elle met en scène ce quotidien et les années qui s’écoulent, avec des descriptions d’instantanés photographiques qui s’égrènent le long du livre, comme un album de famille, et qui fonctionnent comme des trouées dans la continuité du texte. Une atmosphère triste et délavée s’installe, au rythme du désenchantement.
Virginie Mailles Viard
Zao, un mari
Myriam Dao
Des femmes/Antoinette Fouque,
142 pages, 13 €
Domaine français Zao, un mari de Myriam Dao
mars 2023 | Le Matricule des Anges n°241
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Zao, un mari de Myriam Dao
Par
Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°241
, mars 2023.