Il avait déjà signé un Georges Perec paru en 1988 dans la collection « les Contemporains » au Seuil. Claude Burgelin, chercheur, critique et universitaire propose cette fois chez Gallimard une somme sur l’auteur de La Vie mode d’emploi, une somme qui se lit aussi comme un roman. Car la figure comme l’œuvre de Georges Perec ne cessent d’interroger, d’inviter à l’enquête. Le personnage, Claude Burgelin l’a connu, et raconte ici sa première rencontre en 1959 avec « le para Perec », comme s’il sortait d’un de ses livres non encore écrit, comme si la vie taquine s’était ce jour-là rendue coupable d’un plagiat par anticipation. L’œuvre, elle, débusque des « traces » que Claude Burgelin relève et va suivre, refaisant peut-être pour nous ce qui aura été son parcours dans l’écriture de Perec. Dès Les Choses (1965), l’écrivain se révèle comme un virtuose des mots. Sentiment accentué avec La Disparition (1969), ce roman écrit sans que ne soit utilisée la lettre la plus courante de la langue française, le « e ». Fantaisiste, ébouriffant tout autant que son livre inverse, Les Revenentes (1972) où le « e » cette fois, et en tordant le cou au lexique, est l’unique voyelle autorisée. Jeux de contraintes, jonglages lexicaux et syntaxiques, il s’en serait fallu de peu pour que d’aucuns imaginent Perec à la coiffure tournesolienne affublé en plus d’un nez rouge. Burgelin l’écrit dès l’entame de sa biographie : il n’a pas vu alors, dans les premières années de publication de ses romans la force et la profondeur d’une œuvre trop évidemment présentée comme virtuose. Traces, masques et dévoilement : la lecture se fait enquête et sur ce registre-là Claude Burgelin est tout à la fois le détective et le guide parfait. Marquée par l’Histoire (des pogroms de l’entre-deux-guerres en Pologne où vivait cette famille qu’il n’a pas connue aux camps de concentration où périt sa mère), la vie de Perec éclaire l’œuvre autant que l’œuvre tente de renouer avec les racines disparues. C’est en cela que la biographie de Claude Burgelin est une formidable porte d’entrée sur l’œuvre entière. Si la virtuosité saute aux yeux, l’écriture remue les cendres d’un siècle assassin, pour que la vie renaisse, souveraine, enfin.
Claude Burgelin, en tant qu’universitaire et chercheur, vous avez consacré une bonne partie de votre travail à l’auteur de La Vie mode d’emploi (la moitié de vos livres l’évoque). La biographie que vous publiez aujourd’hui est une somme imposante qui commence par votre rencontre en 1959 avec Georges Perec. Pourtant, comme vous l’expliquez, bien qu’ami de Perec, vous auriez pu passer à côté de l’importance de cette œuvre. Pourquoi ?
Longtemps, l’œuvre de Perec a semblé obéir à un ordre de dispersion. Aucun de ses livres ne ressemblait au précédent, ce qui pouvait parfois désarçonner son lecteur. Le rapport, thématique comme formel, entre Les Choses et La Disparition, entre W ou le souvenir d’enfance et La Vie mode d’emploi ne se discernait pas au...
Entretiens En quête de Perec
avril 2023 | Le Matricule des Anges n°242
| par
Thierry Guichard
La biographie de Georges Perec par Claude Burgelin marque l’importance que l’auteur de W ou le souvenir d’enfance a acquise depuis sa mort en 1982. Et révèle les innombrables pistes de lecture de son œuvre.
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