Un livre

La Saison des mousses

de Fabienne Raphoz

Editions Corti

Voluptueusement désordonné le nouveau livre de Fabienne Raphoz, à l’image du plaisir qu’elle prend à succomber aux sirènes du dehors, à l’image aussi de ce qu’elle découvre de l’imagination du réel telle qu’elle prend forme dans les vies qui nous entourent. Un livre qui reflète sa façon « d’entrer en nature », de se livrer tout entière aux sollicitations de ce qui, à portée de regard et d’ouïe, n’a pas de parole. D’où son côté hybride, mêlant journal d’observation, souvenirs de lecture, biographèmes et poétique de la nomination.
Avec des mots qui aident à mieux voir, elle rend plus sensibles et plus claires les raisons et le sens de son émotion devant la beauté et l’inventivité du vivant. « Aimer le vivant, avoir donc une relation biophilique au monde est une histoire qui n’a de fin que l’existence même du témoin. » Entre étonnement et émerveillement, on l’accompagne, par exemple, découvrant une araignée, se mettant en quête de son nom – Pisaura mirabilis – et cherchant le pourquoi de ce mirabilis (une référence à la forme particulière de son organe reproducteur). « Savoir n’affaiblit pas le plaisir, savoir aurait plutôt tendance à l’intensifier, à susciter l’imaginaire qui me manque. » Une démarche où la perception pure du donné se double d’enquête et de recherches qui deviennent source de rêverie et de plaisir. Qu’il s’agisse des éristales de Virgile, de la Robin – un merle d’Amérique – d’Emily Dickinson, de la Vanessa atalanta – un papillon cher à Nabokov –, des guêpiers de Perse, des écureuils ou de souvenirs d’enfance, on a toujours affaire à une sorte d’entrelacement du moi, du monde et des livres qui signe une posture poéthique et souligne la saveur du monde

Richard Blin

La Saison des mousses
Fabienne Raphoz
Corti, « Biophilia », 146 pages, 17,50 €