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Poésie Puissance du désir

juin 2023 | Le Matricule des Anges n°244 | par Emmanuelle Rodrigues

Les derniers écrits de Forough Farrokhzâd témoignent de sa confiance en la parole poétique tout autant que de la nécessité de questionner celle-ci. Une œuvre étonnamment moderne qui n’a rien perdu de sa grâce.

Croyons à l’aube de la saison froide

Au cœur de la société iranienne des années 1950, encore sous le joug du régime du Shah, alors que l’Iran connaît une pleine occidentalisation, Forough Farrokhzâd s’affirme comme une écrivaine d’importance. À peine âgée de 23 ans, elle a déjà écrit et publié trois recueils : en 1954, son premier livre intitulé Captive, puis en 1956, Le Mur et enfin, en 1958, Révolte. Une autre naissance en 1964 lui vaudra une reconnaissance critique. Incarnant la she’r-e no, « nouvelle poésie », elle est parvenue à faire entendre sa voix singulière, la modernité de ses écrits traduisant bien sa soif d’émancipation, en même temps qu’une exigence artistique. Son univers poétique tient du merveilleux et s’apparente également à la parabole ou au conte, son imaginaire fortement symbolique condense tout autant une quête de soi qu’une vision transfiguratrice et libératrice du réel. L’usage du vers libre donne lieu à une parole vivante, animée par le souffle du désir, l’Éros en lutte contre toute forme de néant. Aussi est-ce une franche liberté de ton qui la définit : « Moi à l’abri derrière ma fenêtre / je suis l’intime du soleil ». Impatiente de conquérir son indépendance économique, Forough Farrokhzâd se formera en Angleterre au métier de monteuse. En 1962, La Maison est noire, son documentaire sur une léproserie près de Tabriz est unanimement remarqué. Ce film suscitera l’admiration de Chris Marker qui déclarera à son propos : « Elle ressentait la nécessité de la lutte aussi bien que les professionnels de la justice mais elle n’avait pas trahi son chant profond. »
Sept ans après sa mort accidentelle en 1967, Croyons à l’aube de la saison froide, édité à titre posthume, rassemble ses derniers textes. Ultime poème, « L’oiseau va mourir » réinvente le motif du Simorgh, animal fabuleux de la mythologie persane, évoqué par le poète Attâr dans Le Cantique des oiseaux. C’est bien de la condition humaine dont il est question, lorsque son verbe percutant et pourtant envoûtant, en pointe toute la fragilité. Dans « J’ai pitié du jardin », le dépérissement de ce lieu désormais à l’abandon rend compte de toute forme d’aliénation, celle d’une vie sociale sans perspective : l’institution du mariage ou de la religion manifeste une violence mortifère et menaçante. D’autres affects, la peur, la solitude, ou encore la hantise de la finitude et la présence de la mort, n’empêchent cependant pas l’élan du désir, et de tous les sens, le regard libère les forces créatrices de l’intériorité. Lumière et obscurité loin de s’opposer se répondent, traçant le cadre d’une fenêtre, celui d’un miroir, ou encore l’ailleurs se trouve évoqué par la page qui matérialise l’écriture. Texte éponyme du recueil, « Croyons à l’aube de la saison froide » se présente à travers la vision d’un homme qui marche, figurant l’énigme même du vivant : « Cette nuit-là, j’ai connu la douleur et un être s’est formé en moi / Et j’ai vu son reflet / Lumineux et pur comme le miroir » « Seule la voix reste » réaffirme la puissance du langage susceptible de témoigner de ce qui est voué à la disparition. L’écrivaine convoque ainsi « l’horizon vertical », l’énergie créatrice de la parole si tant est que la voix qui la porte serait encore celle « du désir limpide de l’eau à s’écouler / La voix de la lumière d’une étoile sur les rondeurs de la terre / La voix d’un sens naissant qui prend forme / Et la complexité grandissante de l’amour : La voix, la voix, seule la voix reste. »

Emmanuelle Rodrigues

Croyons à l’aube de la saison froide,
Forough Farrokhzâd
Traduits du persan par Laura Tirandaz et Ardeshir Tirandaz
Héros-Limite, 86 pages, 14

Puissance du désir Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°244 , juin 2023.
LMDA papier n°244
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