Ce n’est ni exactement un livre, ni tout à fait une revue, ni vraiment une enveloppe, mais un peu tout cela à la fois. En tout cas une jolie idée. La Lettre Zola ne se lit que sur abonnement, on la reçoit une fois par mois dans sa boîte aux lettres, sous sa couverture qui se déploie astucieusement. Avec une ligne de conduite pour ce média hybride : « raconter la société sous forme d’histoires vraies ». Et ne pas s’interdire d’accuser.
Le numéro 2, paru en mars, est signé Mathieu Palain. Journaliste et écrivain, l’auteur s’est beaucoup plongé dans la réalité pour écrire ses livres. Les enfants suivis par la Protection judiciaire de la jeunesse dans Sale gosse (2019), ou les hommes violents dans Nos pères, nos frères, nos amis (2023). Ici, le texte est beaucoup plus court. Mais il offre la même plongée dans un groupe social qu’on cherche à ne pas voir : les bénéficiaires de l’aide alimentaire.
Dans Au pays de la bouffe, il part d’une interrogation. Comment ça se passe quand les Restos du cœur sont contraints de trier ceux qui – assez pauvres – auront le droit de recevoir les dons ? Ses rencontres sont éclatantes. Isabelle a presque 80 ans. À la vingtaine, fille-mère, elle a épousé son chef d’équipe à l’usine, juste pour qu’on ne lui enlève pas son fils. Il a fallu qu’elle se débrouille, elle se raconte, vivifiante. Joseph, un trentenaire, décharge des camions deux jours par semaine chez Metro. 700 € par mois. Pour manger, il a moins de 3 € par jour. Voilà pourquoi il fait la queue dans le froid aux Restos. Mathieu Palain écrit à hauteur de femme et d’homme, en toute humanité. C’est beau et triste comme un roman. Ce n’est pas de la fiction.
Anne Kiesel
Au pays de la bouffe,
Mathieu Palain
Lettre Zola, 48 pages
www.lettrezola.fr
Revue
mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253
| par
Anne Kiesel
Un livre
Par
Anne Kiesel
Le Matricule des Anges n°253
, mai 2024.