La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Le printemps, l’espoir et la montagne

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Valérie Nigdélian

Mêlant récit à hauteur de femme et approche historique, Nous sommes le cri d’un peuple embrasse avec pudeur et justesse le combat kurde.

Nous sommes le cri d’un peuple. Histoire de Sêal et Arîn, combattantes kurdes

En 2014, sur une base militaire du Rojava, la région autonome kurde au nord-est de la Syrie, Loez, photojournaliste indépendant, collaborateur régulier de la revue Ballast*, photographie une unité de combattantes des YPJ (unités de protection de la femme). Parmi les douze jeunes femmes armées qui fixent l’objectif, Sêal, avec qui il ébauche une interview sur les raisons de son engagement.
Lorsqu’il revient sur les lieux en 2021, après avoir multiplié les reportages autour des diverses composantes du mouvement, il est trop tard : Sêal est « tombée martyre » en avril 2017 lors de l’opération Colère de l’Euphrate qui visait à libérer Raqqa de l’emprise djihadiste et qui mit un terme au califat autoproclamé de Daech. Dans un sac de plastique blanc épais que sa famille n’a pas eu le courage d’ouvrir depuis, ses affaires : photographies, livres, drapeau, écusson des YPG (les unités de défense du peuple) et quelques carnets remplis de notes d’une écriture fine et serrée. Parmi ceux-ci, d’autres non écrits de sa main, et rédigés en turc : ceux d’une de ses camarades, Arîn. C’est en se plongeant dans ces carnets qui mêlent notes de formation idéologique, explications techniques sur le maniement des armes, écrits personnels et citations du leader du mouvement, Abdullah Öcalan, unique détenu sur l’île-prison d’Imrali depuis vingt-cinq ans, que le journaliste tentera de reconstituer leurs parcours et de comprendre « ce qui a pu réunir ces deux jeunes femmes kurdes, nées de part et d’autre d’une même frontière, jusqu’à ce qu’elles meurent ensemble, loin de chez elles, en essayant de libérer un petit village arabe d’une région désertique ». Et à travers elles, de raconter l’histoire de ce peuple, divisé depuis le début du siècle dernier entre quatre pays (Turquie, Syrie, Irak, Iran) avec l’aval des puissances occidentales (et le traité de Lausanne de 1923). Sans terre ni État (le Kurdistan n’est qu’une région sans souveraineté), sans identité ni culture reconnues, les Kurdes ont été victimes de l’oppression et des politiques d’assimilation très agressives menées notamment par la Turquie et la Syrie. La médiatisation de leur combat – depuis l’assassinat de trois militantes à Paris en 2013 et la bataille de Kobanê fin 2014-début 2015 – doit beaucoup à ses combattantes, figures fascinantes d’un engagement féminin radical, sorte d’incongruité dans un Moyen-Orient très patriarcal.
Dès le début le ton est donné : « Les ouvrages sur les Kurdes se sont multipliés depuis quelques années. Mais la seule théorie ne suffit pas pour apprendre d’un peuple et de ses luttes. Il en faut aussi la poésie et les rêves, la dimension émotionnelle et sensible (…). Ce récit ouvre des portes, déroule certains fils, mais n’a prétention ni à l’exhaustivité universitaire, ni au lyrisme fictionnel, ni à la distance critique. Sêal et Arîn ne sont pas des sujets, elles sont des camarades. » Au fil d’archives de presse ou audiovisuelles et de rencontres (mais les difficultés sont grandes quand on sait que ceux qui les ont connues sont morts, emprisonnés, partis dans les montagnes ou introuvables, quand toute parole est menacée par la répression étatique), Loez redonne un peu d’épaisseur à Newroz et Fatma, ainsi qu’elles s’appelaient avant de choisir leur nom de guerre. L’une née en Syrie en 1994 ou 1995, « sa mère ne se rappelle plus très bien », dans une famille rurale de douze enfants, dont deux des fils s’enrôlent dans les YPG dès le début de la guerre civile en 2011 avant que leur sœur les rejoigne deux ans plus tard, première femme de son village à s’engager. « Une décision courageuse, et alors inhabituelle dans la société rurale où elle a grandi. S’écarter des normes sociales – le mariage, la maternité, la vie au service du foyer – était mal vu. » L’autre née en Turquie en 1989, qui rêvait de devenir institutrice avant de se politiser à l’université et de rejoindre le mouvement, puis disparaître des radars pour que « demain (soit) davantage à nous qu’aujourd’hui ».
Au cimetière des martyrs de Dêrik, leurs tombes sont perdues au milieu de milliers d’autres, « mais leurs visages sont partout au Rojava, plantés au bord des routes, affichés aux murs, ou encore épinglés au revers d’une veste ». Au-delà des images, ce texte rend hommage à leur courage, leur puissance de vie, leur liberté. C’est aussi un moyen de résister à l’oubli, en sauvegardant et transmettant une mémoire collective : façon d’arracher la plume aux vainqueurs pour écrire une autre histoire.

Valérie Nigdélian

* https://www.revue-ballast.fr/author/loez

Nous sommes le cri d’un peuple.
Histoire de Sêal et Arîn, combattantes kurdes,

Loez
Ici-bas, 240 pages, 20

Le printemps, l’espoir et la montagne Par Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
LMDA papier n°253
6,90 
LMDA PDF n°253
4,00