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Essais Toni Morrison à l’oral

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Etienne Leterrier-Grimal

Deux ouvrages complètent l’œuvre de la romancière américaine d’un florilège de textes essentiellement issus de conférences universitaires.

La Source de l’amour-propre

La publication en français de deux ouvrages inédits de Toni Morrison vient rassembler différents textes issus, pour la plupart, d’interventions orales de l’autrice : conférences, discours essentiellement, organisés en un diptyque dont les titres affirment une forme de symétrique opposition thématique, à défaut d’un équilibre.
Le volumineux ensemble intitulé La Source de l’amour-propre contient une quarantaine de textes prononcés ou rédigés sur près de quatre décennies et est consacré à la figure du « self » : la construction d’une identité d’autrice, dont les choix d’écriture sont rappelés et dont les modèles littéraires font l’objet d’un constant hommage (James Baldwin, Luther King, etc). La réflexion de Toni Morrison, sur ces quarante années, aborde la politique américaine, les luttes sociales, la question des inégalités et des dynamiques raciales aux États-Unis, autant de thèmes qui ont nourri profondément l’écriture. En cela, l’ouvrage évoque aussi, par conséquent, la construction d’une identité collective américaine reposant sur cet impensé majeur qu’est la présence du Noir et sur l’invisibilisation de cet apport noir, « chose inexprimable et inexprimée », pour reprendre une citation de Beloved, sans doute le chef-d’œuvre de Toni Morrison, retraduit cette année. « Virus invalidant au sein du discours littéraire, l’africanisme est devenu dans la tradition eurocentrique privilégiée par l’enseignement américain, un moyen à la fois d’évoquer et de maîtriser les questions de classes sociales, de licence sexuelle et de répression, la formation et l’exercice du pouvoir, l’éthique et la responsabilité. Par le simple expédient consistant à diaboliser et à réifier la gamme des couleurs sur la palette, l’africanisme américain permet de dire et de ne pas dire, d’inscrire et d’effacer, de fuir et de s’engager, d’abolir et d’appliquer ». Lors de son discours de Stockholm, à l’occasion des funérailles de James Baldwin, sur la place des arts, sur celle des femmes, sur la mémoire, sur la guerre ou le racisme : La Source de l’amour-propre semble ainsi contribuer à l’exhaustivité d’une entreprise éditoriale, offrant un assemblage de textes inégaux puisque certains paraissent essentiels, d’autres moins, mais qui construisent l’un par l’autre une vision nuancée, critique, toujours humaniste et d’un grand optimiste, qui fait d’elle l’une des grandes consciences de la littérature américaine du XXe siècle.
L’Origine des autres est un volume plus modeste, mais de textes aussi plus récents, puisqu’il regroupe une série des « Norton Lectures » données à Harvard en 2016. On pourrait croire au premier abord qu’il fonctionne comme un contrepoint au premier. C’est sans compter que le « self » contient « the other », et inversement, et que, de fait, la centaine de pages ici contenues aurait pu compléter le précédent ouvrage, n’était-ce son unité géographique et chronologique. Toni Morrison y met là encore en résonance l’écriture avec l’actualité politique américaine, en particulier la résistible ascension de Donald Trump, grand moment américain de haine de l’autre, ou le mouvement Black Lives Matter, moment d’affirmation, au contraire, de son identité. La récipiendaire du prix Nobel plonge à nouveau dans la littérature américaine au fil de conférences où elle cerne ce point aveugle de la conscience américaine qu’est l’Autre (c’est-à-dire, souvent, le Noir). L’Autre comme invention, fiction commode dont un Flannery O’Connor sait faire œuvre. L’Autre, dont William Faulkner retranscrit le parler, mais support d’un « colorisme » stigmatisant dans la littérature américaine et que l’auteur d’Absalon, Absalon ! partage avec Hemingway, imaginaire obsessionnel par lequel la littérature prouve sa capacité dangereuse à forger des archétypes. Mais aussi à les déjouer.
Et c’est la force de cette série de conférences que de montrer que souvent, la littérature porte en elle l’imaginaire d’une nation, que « les cultures cherchent du sens dans la langue et les images dont elles disposent ». Montrant, si besoin était, que la littérature, partout, ne saurait être autre que politique.

Étienne Leterrier-Grimal

Toni Morrison
La Source de l’amour-propre
et L’Origine des autres
Traduits de l’anglais (États-Unis) par Christine Laferrière
Christian Bourgois éditeur, 552 et 120 pages, 25 et 14

Toni Morrison à l’oral Par Etienne Leterrier-Grimal
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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