Ce n’est pas un recueil de citations comme il en existe tant. Celui-ci est un peu particulier, qui ravive la mémoire de l’écrivain-poète Jean-Claude Pirotte disparu il y a déjà dix ans, et qui manque à beaucoup. Et d’abord, profondément, à Sylvie Doizelet qui a partagé les quinze dernières années de la vie de cet homme, grand lecteur, auquel on pourrait appliquer ce qu’il rappelait de Valéry Larbaud : « Pour lui, une biographie d’écrivain est composée essentiellement de ses voyages et des livres qu’il a lus. » Elle-même écrivaine, Sylvie Doizelet s’est attardée dans le bureau-bibliothèque qu’occupait Pirotte pour y feuilleter ceux des livres qu’il aimait ou avait écrits : « Je les prends, un par un. Ils s’ouvrent tout seuls, je me laisse guider par les signets à l’intérieur. (…) Entre toutes ces pages, ces lignes, ces voix, ces mots : des échos que je viens écouter. De chaque vie, je retiens un détail, une image (qui) finissent par tracer un portrait. » Celui du regretté Pirotte, évidemment. Entre les citations, présentées à travers une dizaine de thèmes (solitude, vin…), de Jean Follain, Marcel Arland, Georges Limbour, Henri Calet, des toujours trop méconnus Roger Kowalski ou Jean-Philippe Salabreuil et d’autres encore (Vialatte, Reverdy, Soupault, etc.), des connexions s’établissent, et ainsi les contours d’un visage se dessinent. On croirait assister à un théâtre d’ombres chinoises ou à l’une de ces performances artistiques où un peintre adepte du speed painting donne miraculeusement vie, sous nos yeux et sur la toile, à un visage connu, aimé.
A.D.
Pas le temps de prendre la poussière
de Sylvie Doizelet
La Grange Batelière, 62 p., 12 €
Domaine français Pas le temps de prendre la poussière.
juin 2024 | Le Matricule des Anges n°254
| par
Anthony Dufraisse
Un livre
Le Matricule des Anges n°254
, juin 2024.