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Domaine étranger Sur les traces de Baya

juillet 2024 | Le Matricule des Anges n°255 | par Emmanuelle Rodrigues

L’Américaine Alice Kaplan reconstitue les débuts parisiens de l’artiste au talent précoce relatant sa première exposition à la galerie Maeght.

Baya ou grand vernissage

C’est en 1947 que Baya est devenue une gloire du monde artistique parisien de l’après-guerre. Aujourd’hui, de nouveau à la mode, elle fait l’objet d’expositions de New York à Venise en passant par Abu Dhabi ; mais c’est l’année 1947 qui m’attire à elle. » Alice Kaplan le souligne ici : l’on redécouvre à présent l’artiste algérienne, un mythe dans son pays, pourtant oubliée en France, et selon l’essayiste Sara Mychkine, « confinée dans le musée imaginaire colonial ». En 2016, En quête de “L’Étranger”, brillant essai sur le premier roman d’Albert Camus, explorait la vie intellectuelle et littéraire de la France de l’après-guerre. Baya ou le grand vernissage nous plonge de même au cœur d’une enquête historique riche en documents d’archives. En s’appuyant sur un récit factuel et tout en relatant sa propre enquête, Alice Kaplan nous entraîne dans une passionnante recherche.
Née Fatma Haddad en 1931, Baya aura dessiné dès l’enfance et adopté comme nom d’artiste celui de sa mère, faisant ainsi de ses œuvres le lieu d’un hommage mémoriel à celle qui l’éleva jusqu’à l’âge de 9 ans. Tôt orpheline, recueillie par sa grand-mère, elle devient journalière à la ferme florale des Farges, y fait la rencontre décisive de Marguerite Caminat et de son époux, l’artiste britannique Frank McEwen. Marguerite et Frank qui s’étaient rencontrés à Toulon, décidèrent, après la défaite de juin 1940, de fuir en Algérie où ils se réfugièrent dans la propriété agricole de la sœur de Marguerite. Grâce à eux, Baya ira vivre à Alger, développant son talent pour la peinture. Selon Alice Kaplan, elle devint peu à peu pour Marguerite Caminat « le sujet d’une passion documentaire ». Eut-elle l’ambition d’écrire la biographie de celle dont elle avait tant espéré l’envol artistique ? Du moins, contribua-t-elle depuis Alger à l’exposition parisienne de novembre 1947. Elle l’organisa avec l’appui de Jean Peyrissac qui la fit découvrir à Aimé Maeght. Bien d’autres apportèrent leur soutien à la venue de Baya à Paris, notamment son tuteur, le cadi Mohamed Benhoura.
Pourtant, l’événement ne fut pas sans enjeux politiques ni malentendus. Deux ans auparavant, l’état d’urgence avait été instauré en Algérie par Yves Chataigneau, le gouverneur général, à la suite des émeutes de Sétif, qui furent violemment réprimées. En 1947, aucune réforme n’avait été encore engagée en vue de faire évoluer le statut de l’Algérie. C’est bien toute la complexité du contexte colonial d’après-guerre que l’historienne décrit avec précision : le vernissage aura bien lieu (où sont présents Matisse, Braque, Breton, Camus…) tandis que comme elle le rappelle, « la tragédie, presque imperceptible, se jouait à l’arrière-plan ». De plus, face à la concurrence culturelle d’une ville telle que New York, Paris ne représente déjà plus la seule scène artistique mondiale.
Malgré ce qu’Alice Kaplan définit comme « la relation coloniale des Européens avec Baya », la puissance d’évocation de ses tableaux n’en aura pas faibli pour autant. L’écrivaine ne manque d’ailleurs pas de montrer à quel point l’artiste aura su déployer dans ses œuvres une force créatrice, fruit d’un travail pictural singulier, puisant à diverses sources : richesse graphique, utilisation flamboyante des couleurs, syncrétisme entre abstraction et figuration. Selon la critique d’art Natasha Boas, Baya aura réussi une sorte de métissage culturel, issu de « l’héritage culturel kabyle, arabe, islamique et français ». En un mot, nous dit Alice Kaplan, « sa peinture, avec ses couleurs audacieuses, sa liberté totale de mouvement, sa maîtrise ludique des styles et des motifs kabyles ou parisiens, a toujours parlé sa propre langue ». Voilà bien des raisons d’admirer cette remarquable artiste.

Emmanuelle Rodrigues

Baya ou le grand vernissage
d’Alice Kaplan
Traduit de l’américain par Patrick Hersant
Le Bruit du monde, 220 p., 21

Sur les traces de Baya Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°255 , juillet 2024.
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