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Domaine français Dedans dehors

septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266 | par Anthony Dufraisse

Avec L’Application des peines, Didier Castino nous montre comme la privation de liberté agit sur un corps, une psyché.

L' Application des peines

On n’arrête pas les hommes qui nagent dans la nuit. » C’est l’une des dernières phrases du livre, et probablement la plus forte de ce roman, le cinquième de Didier Castino depuis Après le silence, en 2015, année qui a vu cet enseignant né en 1966 apparaître sur la scène littéraire. Castino est un auteur que l’on pourrait dire engagé, quelqu’un qui se nourrit du réel, des parcours, souvent chaotiques, d’autres vies que la sienne, qu’il restitue-recompose avec le secours de l’imagination pour boucher les trous. Son écriture, d’une tonalité plutôt socio-documentaire, sait aussi vagabonder du côté de la poésie brute. Castino n’est pas prof pour rien : il a à cœur de nous transmettre des histoires en nous instruisant, sans que l’on sache jamais vraiment ce qui est authentique, ce qui est inventé.
Après un excellent précédent roman né d’une rencontre avec le boxeur oublié Gratien Tonna, Castino s’est appuyé cette fois sur son expérience d’intervenant en milieu carcéral. Depuis des années, nous dit-on, il anime des ateliers d’écriture en prison. Exactement comme cet Hervé, sous les traits duquel il se met en scène dans L’Application des peines. Ce même Hervé qui était déjà à la manœuvre dans Boxer comme Gratien. Le dispositif est donc assez similaire : recueillir une parole – ici celle d’un « grand voyou » marseillais, Édouard, quinze ans de détention à son actif pour des délits, angles morts du récit, dans lesquels il assure n’avoir pas laissé sa dignité – non pas pour l’interpréter ou l’instrumenter, surtout pas, mais pour lui donner son poids. Celui d’une vie en dents de scie. C’est ce qui explique que le dedans (la situation carcérale, ses conditions, son modus vivendi) et le dehors (la sortie, la difficulté à « rester dans ce putain de droit chemin ») soient donnés par Hervé dans une même coulée. Il n’y a pas la vie entre les murs, derrière les barreaux, d’un côté, et l’existence à l’extérieur de l’autre, non, tout fait bloc ; donc pas « de saut de ligne afin de permettre au lecteur de respirer ».
Présenté par ses éditrices comme « un livre sur la difficulté de la réinsertion au sortir de la prison et sur l’amitié », ce roman nous semble surtout être une physiologie de la captivité. Il peut se lire comme une sismographie de la réclusion, enregistrement des secousses que provoque la privation de liberté sur un corps, une psyché. Secousses qui connaissent des répliques bien après la fin de l’incarcération, jusqu’à toucher, évidemment, la famille proche, l’entourage, fréquentable ou non. Bien plus qu’un simple greffier, et certainement pas un confesseur, Hervé, le double de papier de Castino, se fait ainsi l’écho, parfois critique, d’une voix qui porte. « Raconter comment on ne cesse de sortir de prison une fois qu’on y est entré, comment on n’y parvient jamais de façon définitive »  : au fond, toute l’essence de ce dialogue avec Édouard le multirécidiviste est là. Dedans ou dehors, garder la tête hors de l’eau reste toujours le plus dur.

Anthony Dufraisse

L’Application des peines,
de Didier Castino
Les Avrils, 202 pages, 21,10

Dedans dehors Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°266 , septembre 2025.
LMDA papier n°266
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LMDA PDF n°266
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