La rédaction Guillaume Contré
Articles
L'invention d'une poésie
La poésie française, même déplacée au plus improbable des endroits, n’en finit pas de faire des étincelles. La preuve dans ce guide inattendu.
Le titre annonce la couleur, celle d’une surprise : La Poésie française de Singapour, vraiment ? N’aurait-on pas lu trop vite ? Ne s’agiterait-il pas plutôt de la poésie française du Mercantour ? Pas du tout, c’est bien de Singapour qu’il est question, un endroit où la langue française brille le plus souvent par son absence, et plus encore lorsqu’elle est poétique. Mais si l’autrice, Claire Tching, nous l’affirme, nous ne demandons qu’à la croire. Ou pas, car ce patronyme nous inquiète quand même un peu : de Tching à Tchang, il n’y a qu’un pas et l’Asie, certainement, mérite mieux que cet...
Soupe à la tortue
De la conjonction d’une tortue en aquarium et des œuvres complètes d’un écrivain oublié naît l’étincelle prodigue du dernier opus d’Éric chevillard.
On connaît l’intérêt d’Éric Chevillard pour le monde animal : c’est l’apparition inopinée d’un hérisson « naïf et globuleux » sur le bureau de l’auteur qui déclenche l’écriture de Du hérisson, tandis que dans Sans l’orang-outan il s’agit d’étudier les conséquences insoupçonnées de la disparition du primate (de même que dans Dino Egger, la non-existence du personnage principal modifiait...
Une incessante quête de l’esprit
Cette première traduction d’un des grands textes autobiographiques de l’Uruguayen Mario Levrero est l’opportunité de découvrir un remarquable héritier contemporain de Kafka, qui n’aura cessé d’écrire à la recherche d’une vérité fuyante de l’être.
Alors qu’il aura vécu toute sa vie dans un relatif anonymat et une grande précarité économique, la reconnaissance du travail de Mario Levrero (1940-2004) ne cesse de prendre de l’ampleur, aussi bien en Amérique latine qu’en Espagne, principalement depuis la publication en 2005 de son grand livre posthume La novela luminosa (qui sera prochainement traduit en français). S’agissant d’une œuvre...
Un auteur
Mythe et représentation
Dans un essai récent, l’universitaire Julio Premat replace Borges dans son « argentinité » en soulignant à quel point son universalité s’ancre dans une mythologie locale qu’il aura su modifier, voire inventer à son propre bénéfice, devenant ainsi l’ADN des lettres australes.
Julio Premat, votre livre propose au lecteur français une approche plus argentine de Borges. Croyez-vous qu’on l’ait lu trop partiellement ?
Il y a d’excellentes lectures de Borges en France, mais je voulais souligner à quel point il est devenu le noyau d’un esprit littéraire argentin pas forcément perceptible ici. La critique française le lit depuis ses propres préoccupations, de même que...
Un auteur
Le grand mystificateur
La multiplicité des sens d’une œuvre essentiellement composée de textes courts qui semblent toujours s’appuyer sur d’autres, réels ou fictifs, ne cesse de nous rappeler l’inutilité de toute tentative d’épuiser le travail de Borges. L’auteur de L’Aleph aura su édifier depuis la position périphérique de Buenos Aires, ville où il est né en 1899, une histoire universelle de la lecture.
C’est la force paradoxale des classiques : leur omniprésence les condamne au lieu commun. Ainsi de Kafka, trop souvent résumé à un adjectif aussi commode que vague, la forêt du « kafkaïen » ayant tendance à simplifier, voire à contredire, la réalité de son œuvre. Même chose lorsqu’est brandi l’étendard du « borgésien » : une fois qu’on aura hâtivement convoqué l’encyclopédisme, les...