La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
La malle pleine de morts de Jean-Claude Pirotte
Un Voyage en automne ressemble à la dérive d’un continent humain chargé de phrases et d’émotion, amarré à la nostalgie de Pessoa ou Lobo Antunes.
Lorsqu’il déménage, ou lorsqu’il part en voyage, Jean-Claude Pirotte n’emporte guère de bagages. Deux ou trois valises, au contenu mystérieux même pour lui et quelques livres qui lui collent comme un morceau de sparadrap. Lorsque c’est en automne qu’il part, Pirotte semble rester où il est : sous la pluie. Une pluie qui a au moins le privilège de masquer les larmes, d’écarter le pathos, de...
Porno poétique
Arpenteur parisien, pilier de bars, Yves Martin est aussi un amoureux des salles obscures.Pas de celles où les ouvreuses en uniforme règlent la circulation des files d’attente.L’humble bonhomme (qui « arrive toujours de trop loin après de grossières courses en sac, le corps étourdi de ficelles ») préfère les obscurités crasseuses des salles spécialisées, où se décline à toutes les sauces le...
Des livres
Une phrase pour ma mère
de
Christian Prigent
Rien qui porte un nom : quelques peintres
de
Christian Prigent
L’inouï de la langue
Trois livres de Christian Prigent sortent quasi-simultanément. Chacun tente de creuser la langue (la peinture) pour trouver un accès au monde.
Les observateurs myopes de l’histoire littéraire des dernières années avaient rangé un peu vite Christian Prigent dans la boîte désormais close des avant-gardes. Parce qu’il avait engagé un travail à la fois destructeur et regénérateur sur la langue et que, encore au moment où le terrorrisme telquelien découvrait le moelleux d’une situation de pouvoir (Sollers entrant chez Gallimard), parce...
Un livre
Avec nous on sera vingt-sept
de
Elisabeth Jacquet
On s’appelle et on se fait
Des bribes de discussions, des lambeaux de pensées, des miettes de gâteaux et des taches de vin : une fête entre amis selon Elisabeth Jacquet.
Le cinquième roman d’Élisabeth Jacquet nous convie à une fête parisienne entre amis, à l’occasion de l’anniversaire de Fadie. La musique (house) déverse ses décibels tant que les couples dansent, mais on a pris la précaution de mettre un mot d’excuse dans l’ascenseur. Des invités arrivent en retard, certains ont eu du mal à se garer. D’autres amènent des cadeaux (« oh la la ! vous êtes fous...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...