La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
En quête de Perec
La biographie de Georges Perec par Claude Burgelin marque l’importance que l’auteur de W ou le souvenir d’enfance a acquise depuis sa mort en 1982. Et révèle les innombrables pistes de lecture de son œuvre.
Il avait déjà signé un Georges Perec paru en 1988 dans la collection « les Contemporains » au Seuil. Claude Burgelin, chercheur, critique et universitaire propose cette fois chez Gallimard une somme sur l’auteur de La Vie mode d’emploi, une somme qui se lit aussi comme un roman. Car la figure comme l’œuvre de Georges Perec ne cessent d’interroger, d’inviter à l’enquête. Le personnage, Claude...
Un auteur
Géomètre du monde intérieur
Le nouveau livre de Laura Vazquez arpente un envers du monde guidé par la voix d’une presque folle jusqu’au point où « viendra la réalité décollée d’elle-même ». Une aventure.
Toi qui entres dans ce livre, oublie tes présupposés, tes préjugés, le confort de suivre des phrases corsetées par la syntaxe ou la ponctuation et tenues en laisse par le sens. Te voici, à l’entrée d’un monde où tes repères s’estomperont rapidement, où le centre ne sera pas toi, où ta raison vacillera et où tu trébucheras de chausse-trapes en chausse-trapes qui sont ici comme autant de pièges...
Un auteur
Marcher à l’intuition
Peu théoricienne de sa propre écriture, Laura Vazquez défait les carcans de la langue pour y creuser des passages entre deux réalités, celle qu’on vit et celle que le texte révèle.
Dans ses ateliers d’écriture comme dans ses entretiens, Laura Vazquez aime s’appuyer sur une bibliothèque de classiques. Une manière d’ancrer sur de solides prises le véhicule de sa pensée que les mots qui lui viennent finissent par guider vers des profondeurs insoupçonnées. Comme la jeune femme rêve encore d’une langue qui aurait la puissance de parler à Dieu ou aux dieux, la puissance...
Un auteur
L’écriture exaucée
Issue de l’immigration espagnole et d’une famille modeste, Laura Vazquez a toujours ressenti la force de la foi. Et trouvé jeune que cette foi était en fait l’expression d’une vocation : celle d’écrire.
C’était il y a un an, lors de la Fête du Livre de Bron : le regard protégé par la longue visière d’une casquette, Laura Vazquez lit quelques poèmes avant de parler au public de son premier roman La Semaine perpétuelle. Certes, on n’a pas lu tous les livres, mais ce roman-là s’est imposé d’emblée comme peu ont su le faire. On parlerait d’ailleurs plus volontiers d’une rencontre, de l’évidence...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...