La rédaction Thierry Guichard
Articles
Une histoire française
Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume.
Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page avec une précaution qui les rend plus prégnants. Roman parcellaire, fait de chapitres courts qui sont comme des pièces d’un puzzle difficile à...
Un auteur
De l’air !
On pourra toujours mettre au crédit du Covid et de l’affligeante réponse qu’il lui a été faite (confinement, auto-autorisation de sortir, privation de la nature…) d’avoir permis à Marielle Macé d’écrire deux livres splendides : Une pluie d’oiseaux paru l’an dernier chez Corti et Respire qui sort aujourd’hui chez Verdier. Splendides parce qu’inépuisables tant ils ouvrent de voies dans la...
Un auteur
Vers les aubes nouvelles
Issue d’une famille modeste des bords de Loire, Marielle Macé a trouvé dans la pensée une arme contre la résignation et dans la poésie l’art de saisir tous les possibles du monde.
C’est un petit livre jaune qui l’a fait connaître du peuple des lecteurs de littérature. Paru en 2017 Sidérer, considérer ouvrait une voie neuve dans le travail de Marielle Macé comme dans la littérature. Une voie qui serpente depuis entre l’essai, les sciences humaines, la philosophie, la poésie et le rendu d’expériences de vie, et de luttes multiples. Entre une Marie Cosnay et un Arno...
De la tendresse, bordel !
Dans Crétin des Alpes ! Dominique Fabre renoue avec ses romans d’une enfance tout à la fois meurtrie et enchantée. Et avec une langue posée au bord de la tendresse.
Les aficionados de Dominique Fabre le savent : l’homme a vécu son enfance loin d’une mère qui l’a confié lui comme sa sœur à une famille d’accueil dans les montagnes alpines. Rejeté et accueilli en même temps, enfant « mensualisé » qui le week-end regardait les autres gosses endimanchés rentrer pour deux jours chez eux, le gamin « parisien » grandit donc au bord des champs et d’une rivière...
Un auteur
Place à l’artiste
Les livres de Jean-Charles Massera s’inscrivent dans une démarche artistique qui prend la littérature à rebours. Il s’agit de détricoter les représentations aliénantes, modifier la perception du monde. Non sans humour.
Pour certains, Jean-Charles Massera a d’abord été une voix entendue chaque dimanche de l’été 1997 sur les ondes de France Inter. Une voix légèrement acidulée prise dans un flot de mix sonores. Pour d’autres, ce fut d’abord et jusqu’en 2000 le critique d’art. Certains l’ont découvert sur une scène de théâtre, certains comme photographe exposé au Centre de la photographie de Genève. Bien sûr...
Médiatocs – chronique
Pare-chocs du moi
Écrite précipitamment dans l’absence de style, l’autobiographie de l’ancienne directrice du Monde des livres atteint à des abysses de pensée. Du moment que ça la soulage….
Elle était la directrice du Monde des livres jusqu’au jour (« un matin de janvier 2005 ») où on lui annonce qu’elle est démise de cette fonction pour redevenir une simple journaliste. Josyane Savigneau vit d’autant plus mal sa mise au placard (qui la vivrait bien ?) que celle-ci la renvoie à un complexe d’imposture qui l’habite depuis toujours et qu’elle va tenter de résoudre en écrivant ce Point de côté. On espérait une réflexion sur le métier de journaliste, une description des rouages de la critique parisienne ou au moins une véritable plongée dans les mécanismes intimes, inconscients...
Un âne, des mots
Claire Castillon a probablement un vrai talent d’écrivain. Mais ses lecteurs ont assurément beaucoup de patience. Son nouvel opus, indigeste en diable, impose une lecture éprouvante.
Cette rubrique, consacrée aux très médiatiques romanciers allait tranquillement vers la proclamation d’un axiome incontestable. Quelque chose comme : un best-seller se fabrique. Dès sa conception jusqu’à son écriture, un best-seller imite plutôt la pente douce (qu’on dévale sans y prendre garde) que la montée abrupte qui nécessite effort et courage. Les ingrédients du best-seller se trouvent...
“ Les mecs, on la perd ! “
Quels ingrédients faut-il pour faire un best-seller ? Une louche de clichés alignés par un style de collégien attardé et assez de cynisme pour prendre ses lecteurs pour des gogos.
Prenez une pincée de Paulo Coelho, le romancier philosophe pour ménopausés du cerveau, dont vous extrairez des préceptes profonds du genre : « accepte le destin qui est le tien et donne aux autres le meilleur de ton temps ». Cette morale à deux sous qu’adorent tous les apôtres de la domination (que les miséreux acceptent leur misère et ne viennent pas nous emmerder) nous est assénée par...
Courrier du lecteur – chronique
La preuve par huit
Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.
Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part...