La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Au nom de la liberté

avril 1993 | Le Matricule des Anges n°4 | par Thierry Guichard

Il pourrait n’être question de rien dans le dernier livre d’Eddy Devolder que sa lecture serait jubilatoire. Son écriture relève de l’art et dresse le tableau des conquête en Amérique.

Les Incroyable Péripéties d’Estebanico el Mauro

Le roman (plutôt que poème épique comme indiqué en quatrième de couverture) d’Eddy Devolder recèle un piège tendu au lecteur. Le style de son auteur est d’une si rare beauté que l’on se laisse facilement bercer par la musique des phrases sans prendre garde à ce qu’elles nous disent. Elles sont ces phrases, comme de longs solos au cœur d’un morceau de be-bop, si longs et si envoûtants, qu’à les suivre on en oublie la mélodie Estebanico el Mauro, « le premier noir à fouler les terres d’Amérique du Nord », est un prince du langage. Messager des franciscains dont il exècre la religion, il apparaît comme l’ange de l’apocalypse pour les indiens qu’il vient prévenir du massacre qui les attend « Je suis venu en messager vous signifier que votre avenir finit avec moi et que le temps bascule sur son socle avant d ’être demain renversé. » Entre les Blancs concupiscents, et l’indien qui va le tuer, Estebanico a choisi son camp. Il préfère la mort à la soumission. Parce que l’esclave n’a qu’un seul choix : vivre ou mourir, il va se préparer à accueillir en lui la nuit profonde qu’une flèche tirée en plein cœur devrait lui promettre : « J’ai achevé de couper les ultimes fils qui étaient encore sensés m’agiter, les derniers étaient accrochés aux branches des étoiles et gouvernaient le peu de rêves avec lesquels j’ai pu compter. » Ses dernières paroles se font oracles, prières et souvenirs tout à la fois. Elles écorchent le monde qu’il s’apprête à quitter. Car Estebanico arme sa colère d’invectives à l’encontre du christianisme et à l’encontre du Blanc qui « enseigne à se surpasser et aller au-delà plutôt que d’écouter palpiter la terre sous ses pieds ou de lever les bras en l’air pour essayer d’embrasser le monde à la manière des grands baisers. »
De son héros, Eddy Devolder fait le chantre de la nature, de la poésie et de l’impalpable sensualité de vivre.
La découverte de l’Amérique marque la naissance de l’ère moderne comme elle marque l’holocauste de l’innocence et si c’est à cause de la couleur de sa peau qu’Estebanico est esclave, la couleur de son âme l’eût tout autant réduit à subir la violence des conquêtes. Il y a là tout un symbole de la condition du poète dans notre société, et le texte de Devolder ramène du XVlème siècle où il s’est immergé, la condamnation amère mais juste de notre époque.
La deuxième partie du roman est constituée du témoignage d’Andrès Dorantès, le maître espagnol d’Estebanico. Désireux de corriger l’Histoire telle que les hagiographes l’écrivent, Dorantès confie à son journal l’enchaînement des événements qu’il vécut, ne passant sous silence aucun des épisodes peu glorieux de la conquête du territoire aztèque par Cortès, puis des tentatives de colonisation des régions plus au nord. Cette relation, humble et saisissante, éclaire rétrospectivement les propos d’Estebanico. Devolder, poète, se fait chroniqueur et montre comment la stupidité des conquistadors, leur cupidité et leur ignorance conduisirent à de vains massacres à l’ombre des croix de l’Inquisition. Cinq siècles plus tard, le souffle qui anime Les incroyables Péripéties d’Estebanico el Mauro offre un sanctuaire magnifique aux bernés de l’Histoire.

Les incroyables Péripéties
d’Estebanico el Mauro
Eddy Devolder

Illustrations d’Alberto Breccia
Bernard Dumerchez éditeur
(B.P. 329 (10312 Creil Cédex)

Au nom de la liberté Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°4 , avril 1993.