La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Portraitiste hors nature

novembre 1995 | Le Matricule des Anges n°14 | par Ulysse Gaillard

Trente caractères passés au trébuchet constituent une galerie où les modèles comptent moins que leur portrait. Entre égratignage et admiration.

Plutôt que d’en pleurer

En introduction à Plutôt que d’en pleurer, Gil Jouanard légitime ce recueil de courts portraits en invoquant certaines pressions amicales. Homme de lettres et de culture, l’écrivain qui connut et connaît bon nombre de plumitifs (des poètes nationaux aux écrivaillons de sous-préfectures) a la réputation de n’écrire que des poèmes de l’instant ou des proses de paysagiste. Il était donc logique que l’on s’inquiétât de son rechignement à nous dépeindre les hommes. « Alors je (…) fis effort pour accomoder mon regard d’aigle paysager sur ces cibles humaines qui, dès lors, sans se faire prier outre mesure, s’en vinrent d’un pas décidé depuis le fond du panorama. » Suit une ribambelle de personnages, dont beaucoup d’écrivains, agrafés de leurs initiales en ouverture de chaque portrait.
Il y aurait quelque chose de très irritant dans cette décision de ne nommer les personnes que par leurs initiales. Immanquablement ce parti pris conduit le lecteur à rechercher les clés de ce recueil, le détournant d’une lecture qui vaut pour autre chose que le simple témoignage. Mais l’écriture prend le pas et puisqu’il n’est nullement question ici de papotages mais bien de littérature, on laisse aux orties les interrogations quant à l’identité du croqué (du reste, celle-ci saute souvent aux yeux).
Comme pour justifier sa « paisible » misanthropie avouée, les premiers portraits ne sont pas exempts d’une certaine cruauté. Ainsi, à propos d’un velléitaire, l’auteur conclut-il son portrait par : « Il était définitivement le même. En attente. » Une certaine tendresse (une certaine admiration ?) pointe lorsque se profile le voisin érotomane et cultivé qui n’hésite pas à prendre congé de l’amie du narrateur d’un sincère « Mademoiselle, vous avez un cul admirable ». Bon nombre des « insectes » épinglés par Gil Jouanard, (qui revêt pour la cause les habits d’un Jean-Henri Fabre ethnologue) pourraient revendiquer une place dans un recueil de nouvelles, tant ce qui les caractérise sous la plume de l’écrivain, les singularise à nos yeux.
Dans l’art du portrait, l’écriture elliptique de Gil Jouanard trouve des raccourcis saisissants qui lui permettent de ne guère s’étendre, lui qui rechigne à accorder trop de considération aux hommes : « Père et Mère tournèrent de l’œil à trois cent soixante degrés, et, avant d’avoir eu le temps de dire ouf, se trouvèrent ensevelis sous un volume de terre définitivement infranchissable. » En fin d’ouvrage, l’hommage à l’oncle Jean, paraphe un style propre à émouvoir ; et l’on se prend à attribuer à Gil Jouanard la comparaison qui termine son portrait de Jacques Réda (J.Ré.) « Les noix, ainsi que beaucoup d’autres, sont semblables à J.Ré. : leur coquille est rêche et dure, mais en leur centre une amande tient en réserve toute le tendresse et la succulence du monde. » Une tendresse qui pointe dans la plupart des portraits et qui illumine cet hommage à l’oncle Jean, facteur unijambiste depuis la guerre, buveur invétéré depuis toujours, sillonnant son canton appuyé sur son vélo qui « était un bon support lorsque, passé la cinquième « goutte », le chemin perdait de son assise. »
Le dernier portrait du recueil, en invoquant le grand-père qui voyait ses enfants « croître comme il voyait grandir les enfants de son chien ou les herbes de la prairie, sans surcroît d’émotion » rétablit l’image un peu rude du misanthrope renforcée par certains portraits où l’ironie fait office de vitriol et équilibre un livre qui s’efforce d’échapper à la gravité. On comprend qu’autour des deux parents évoqués, l’auteur convoque les personnalités de Jean Follain et Gaston Bachelard. Avec cette galerie de « caractères », Gil Jouanard échappe au risque de n’être qu’un « témoin irréprochable du beau son creux que rend le ciel, lorsque l’on frappe contre. » Ce qui, toutefois, n’est déjà pas rien.

Plutôt que d’en pleurer
Gil Jouanard

Verdier
108 pages, 75 FF

Portraitiste hors nature Par Ulysse Gaillard
Le Matricule des Anges n°14 , novembre 1995.
LMDA PDF n°14
4,00