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Poésie Allégeance à la littérature

juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16 | par Thierry Guichard

D’une écriture très élaborée, entre poésie et prose, Tous ceux qui passent, le premier recueil de Thierry Bouchard joue l’alchimie de l’intime.

Tous Ceux qui passent

Tous ceux qui passent de Thierry Bouchard, par ailleurs éditeur et directeur de la revue Théodore Balmoral regroupe sept textes dont cinq parurent au préalable en revues.Chacun porte en titre un prénom. On pourrait donc raisonnablement s’attendre à sept portraits.Et, de fait, il est fort possible que ce soit bien ce que l’auteur ait voulu faire.Sept portraits de petites gens (puisque nous ne connaissons d’eux que leur prénom, c’est qu’ils ne se sont pas fait un nom). On pense alors, raisonnablement, aux Vies minuscules de Pierre Michon, un voisin de Thierry Bouchard l’Orléanais.Les deux hommes n’ont pas que la préfecture du Loiret pour point commun : le premier texte du premier numéro de Théodore Balmoral est signé…Pierre Michon.Preuve, s’il en était besoin, de l’admiration que le premier porte au second. Et, dès la troisième phrase de Tous ceux qui passent on sent qu’il reste, dans l’écriture de Thierry Bouchard, une part de cette admiration : « Sur la crête, là-bas, cela fait une petite mousse qui épaissit lentement. » Ce « cela fait » a un accent qui ne trompe pas. On pourrait donc craindre que l’éditeur tombe dans l’écueil du mimétisme.À trop fréquenter les écrivains (et Thierry Bouchard en fréquente [lit] assidûment beaucoup d’excellents), il pourrait n’écrire qu’avec leur style.
À n’en pas douter, le premier travail de l’auteur aura été de trouver sa voix. Et, à voir les balafres que laissent dans les phrases les virgules pléthoriques de ces pages, cette quête d’une voix ne s’est pas faite sans violence : « La Petite Tournée à côté, à cette époque-là, bouge avec un petit peu de bruit, un murmure, comme au creux de l’oreille, les promesses, les histoires qui adoucissent, au début, avant, du saindoux pour la gorge. » Il y a là de quoi irriter le lecteur qui aurait préféré se laisser glisser le long de phrases polies comme des galets. Reste que dans le ressassement, la syncope, des images fortes émergent, dont celle, émouvante qui dans le texte Pierre narre l’enterrement du père : « Le corps semblait lourd, à la lourdeur des pas de ceux qui sur l’épaule le soulevaient.Quatre fois deux avec les bras, les mains en l’air dans les poignées, mais avec le poids immense de la disparition » et plus loin « Ils ont traversé le parc avec la boîte noire, en longeant pendant quelques instants la ligne de peupliers ».
Hélas, cette force d’évocation n’est pas représentative de ce recueil.Tous ceux qui passent cherche à atteindre le moment où l’Homme, son monde intérieur, se dissout dans l’univers qui lui-même se dilue en l’Homme.Imperceptible osmose qui pourrait bien être une métaphore naturelle de la littérature.Face à ce nœud, à cet innommable (Thierry Bouchard écrit sans cesse le mot « cœur »), l’écrivain a pris le parti d’évincer tout ce qui toucherait à l’anecdote.C’est la démarche inverse de Michon qui prône une littérature diagonale, une littérature qui ne semble pas parler de ce qui l’occupe réellement.Thierry Bouchard, lui, marque une foi si grande en la chose littéraire qu’il aborde de front ce qui le meut. Les phrases alambiquées charrient alors trop d’images abstraites, confuses, pour que le lecteur puisse profiter du voyage.
L’alchimie ne prend pas.L’objet littéraire nous est étranger, il ne s’ouvre pas à nous, nous n’y pénétrons pas.Comment alors partager l’émotion ? Il y a la musique, bien sûr, et les phrases de Bouchard sont des phrases d’un grand lecteur de poésie, elles sont riches de rythme et de sons, mais il leur manque d’être habitées. C’est comme si l’auteur, tel un presbyte, écrivait à distance, comme si, derrière ses virgules et ses « cela » il évitait de se livrer. C’est comme si, ayant « tué » les « pères » en littérature, Thierry Bouchard avait oublié le seul crime qui compte pour écrire : vouloir tuer la littérature.

Tous ceux qui passent
Thierry Bouchard

Deyrolle Éditeur
152 pages, 98 FF

Allégeance à la littérature Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°16 , juin 1996.