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Domaine étranger La mort de l’écrivain

juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16 | par Didier Garcia

Une maison hantée en plein n o man’s land : un décor stérile pour fixer l’agonie d’un écrivain raté. Oliver Onions entre peurs et douleurs.

La Belle qui vous fait signe

Offrons-nous pour quelques lignes l’immense privilège de jouer avec l’histoire littéraire. Imaginons par exemple Proust, rue Hamelin, tout à la rédaction de sa Recherche. Soudain -il aura peut-être suffi d’une légère contrariété, d’un bruit un peu trop insistant-, Proust décide de quitter sa célèbre chambre tapissée de liège pour un intérieur plus propice aux longues heures de travail. Mais une fois « le bouchon » abandonné, une fois installé, la machine s’enraye, rien ne va plus : Proust en vient à détester Swann et ces mondains qui l’entourent, et un soir, convaincu de n’avoir écrit que des pages médiocres, il livre son manuscrit au feu ! Un tel scénario -qui nous a peut-être réellement privés de plusieurs chefs-d’œuvre- eût sans doute considérablement modifié le paysage de la littérature française…
C’est une trame similaire qui guide le roman d’Oliver Onions La Belle qui vous fait signe - première traduction française pour ce romancier anglais mort depuis plus de trente ans (1873-1961). Paul Oléron, « un auteur sans fortune personnelle et dont le travail ne tient pas compte du public », a déjà rédigé quinze chapitres de son roman Romilly Bishop lorsqu’il se résout à quitter sa chambre exiguë et son bureau trop petit pour une modeste maison à louer. Geste anodin dont il ne pouvait prévoir les conséquences fatales : le manuscrit de Romilly Bishop ne gagnera plus la moindre ligne, et l’ensemble se réduira bientôt à un dérisoire tas de cendres. Quant à la carrière littéraire d’Oléron, elle s’arrêtera brutalement, dans l’indifférence et le dénuement.
Les raisons qui peuvent détourner un écrivain de son travail ne manquent pas : qu’est-il de plus capricieux que la rédaction d’un roman ? Pour Oléron, elles semblent a priori purement pragmatiques : « Des clous qui se remettaient dans le bois et entaillaient les mains des gens, des marches qui se brisaient quand vous y posiez le pied, et des femmes qui venaient chez un homme pour brosser leur chevelure dans l’obscurité, c’étaient des raisons suffisantes » sinon pour interrompre le cours d’un récit bien avancé, tout au moins pour occuper l’esprit et le distraire. Des raisons même dirimantes, puisque la maison s’avère hantée -ce que seul un vicaire confirme à demi-mot. À moins qu’Oléron ne soit malade, et que ce soit tout simplement Elsie Bengough, une journaliste de trente-quatre ans, qui vienne le harceler pour une étrange affaire de cœur.
Le problème avec Oliver Onions -mais il s’agit là d’un problème qui a quelque chose à voir avec le talent et l’art de la dissimulation-, c’est qu’on n’en sait guère plus à la fin qu’au début. On comprend bien qu’il se passe quelque chose, qu’Oléron sombre dans la folie (il passe ses journées à surveiller l’embrasure de la porte de sa chambre à coucher), que le monde ne va plus très bien, mais on ressort de ce roman sans savoir si la maison était réellement hantée, s’il y a eu meurtre, si Oléron est mort ou s’il est fou ! On se contente de suivre cet écrivain qui s’enfonce dans la psychose, et de douter avec lui…
Oliver Onions dissimule sous un pseudonyme plus avenant R. Oliver, peintre et romancier anglais, auteur d’une œuvre presque inconnue en France. Probablement rédigé dans les années 1940 ou 1950, La Belle qui vous fait signe garde l’empreinte de cette veine fantastique qui avait valu à Onions de figurer dans l’Anthologie du fantastique (1966) de Roger Caillois. Un court roman dont la plus belle réussite serait aujourd’hui d’inciter à d’autres traductions.

La Belle qui vous fait signe
Oliver Onions

Traduit de l’anglais
par Georges Goldfayn
Joëlle Losfeld
140 pages, 105 FF

La mort de l’écrivain Par Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°16 , juin 1996.