Un sculpteur, Pierston, qui a aimé, en l’espace de vingt ans, trois fois la même femme sous les traits de la grand-mère, de la fille et de la petite fille, abandonne son œuvre et devient le bienfaiteur de son village natal avant de se donner la mort.
Derrière l’évidence du premier propos sur le renoncement à l’amour idéal qui sans cesse échappe, au rêve originel symbolisé par « l’Ile », sur l’éternel retour, c’est bien du théâtre dont il est tout le temps question dans La Fugitive. De l’art et de ses enjeux. « La vraie place d’une statue ou d’une quelconque œuvre d’art, c’est d’être au milieu du monde, dans le mouvement du monde. De se mêler au mouvement du monde. Et, si possible, d’y contribuer ».
Et cette pièce de commande (par le metteur en scène Jean-Yves Lazennec) fournit l’occasion à Jean-Pierre Sarrazac, auteur d’une quinzaine de pièces, de nombreux essais sur le théâtre et directeur de l’institut d’Etudes théâtrales à la Sorbonne, de redire toute la nécessité du théâtre, art éphémère, fugitif par essence. « Je rêvais de construire un théâtre de pierre(…)Je serais devenu l’auteur et le metteur en scène d’une représentation qui aurait embrassé la vie entière : la naissance, l’amour, la mort ».
Du théâtre encore par la voix de Somers, faux personnage et vrai choryphée, qui n’a d’autre justification que celle de relayer le récit. Les deux autres personnages ne sont guère plus tangibles, les figures ici ne sont pas incarnées. « La fugitive » est toutes les femmes aimées, ces Aphrodite que dessine sans fin le sculpteur dans la pierre. « Celle qui revient » symbolise le renoncement, la fin du rêve, la compagne des vieux jours.
Inspirée de La Bien-Aimée de Thomas Hardy, la pièce trouve son originalité dans le rythme. Trois périodes, trois régimes d’écriture mêlés : le vers libre, le récit et le dialogue. Un rythme qui s’essouffle pourtant sur la fin. Si tant est qu’il y en ait une.
M.B.
La Fugitive
Jean-Pierre Sarrazac
Éditions Médianes
(72, rue d’Amiens 76 000 Rouen)
109 pages, 80 FF
Théâtre Eloge de l’éphémère
septembre 1996 | Le Matricule des Anges n°17
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Eloge de l’éphémère
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°17
, septembre 1996.