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Domaine étranger Robert Irwin l’illusionniste

décembre 1996 | Le Matricule des Anges n°18 | par Marie-Laure Picot

L’auteur anglais livre un roman d’une diablerie enthousiasmante. Un roman aux multiples arcanes. De quoi y perdre son surréalisme !.

Cadavre exquis

Je n’ai pas tenu de journal qui puisse fournir le matériau d’une autobiographie rien qu’un noctural, où je consigne le peu qui m’est arrivé pendant que je dormais. » C’est l’auteur du roman qui écrit ces mots -et non celui qui signe le livre, Robert Irwin étant apparemment bien décidé à s’effacer tout à fait derrière ses personnages au point même de laisser la « note de l’auteur » aux soins du narrateur- des sortes de mise en garde au lecteur, des indices, mais le piège romanesque est serré. Caspar, le narrateur, livre en 1951 un roman autobiographique Cadavre exquis qui retrace une période de son existence. Peintre surréaliste londonien membre de la fraternité de Saint-Sérapion, il tente l’année 1936, entre autres expériences chères à son groupe, d’errer dans la ville en aveugle (un foulard sur les yeux). Dans sa quête hasardeuse de « la beauté convulsive », il rencontre « le merveilleux quotidien » la femme aussi fascinante qu’inaccessible. En effet, à peine croisée, la dénommée Caroline s’évanouit dans la nature avant qu’il ait eu le temps de se démasquer et de connaître le visage de « l’amour fou ». Caroline rencontrée puis perdue, recherchée, retrouvée puis perdue à nouveau est, souligne le narrateur, le véritable objet du livre. Seulement de quelle Caroline le narrateur est-il épris ? De celle imaginée le soir de sa quête aveugle, de celle qui frappera à sa porte quelques jours plus tard ou de celle qu’il appelle vainement à lui par le truchement de ses séances hypnagogiques (Ndlr : qui précèdent et induisent le sommeil).
D’ailleurs, Caroline a-t-elle seulement existé ? La fin surprenante du roman suggère que si le merveilleux peut rejoindre le quotidien, la réalité se charge de les séparer proprement, le hasard des uns n’étant pas forcément le hasard des autres.
Quoiqu’en dise Caspar, le véritable objet du livre est le surréalisme dans tous ses états, sa caricature même. En ce sens, Cadavre exquis est un canular romanesque à retardements, aux pouvoirs quasi hypnotiques. Le lecteur conscient du piège, mord malgré tout à l’hameçon. Le trouble consiste surtout dans la rencontre entre des personnages historiques et fictifs, les premiers des piliers du surréalisme de la fin des années trente, les seconds de véritables cadavres exquis surgis de l’imagination débridée de l’auteur. MacKellar par exemple, écrivain et philosophe surréaliste anglais livre « ses impressions pataphysiques sur l’Afrique » et formule plus tard le projet d’un livre lipogramme en e… L’imaginaire rejoint la réalité historique. Et le lecteur se pose de sérieuses questions sur les faits vrais et les vrais/faux faits.
On croise ainsi Breton écrivant au jury d’admission des œuvres de l’exposition surréaliste de 1936 à Londres pour refuser les toiles des membres de la fraternité de Saint-Sérapion, groupe surréaliste anglais imaginaire, Dali, Gala, Éluard, Ernst avec qui Caspar partage une journée mais « mon souvenir d’Ernst ce jour-là est un faux souvenir et sans doute y en a-t-il beaucoup d’autres, mais il est rare que je puisse les vérifier à la lumière de l’histoire écrite » ou George Orwell engagé dans la guerre d’Espagne, rentrant de Madrid en 1938 et réglant leur compte à des personnages de roman : « Et vous, là -du bout de l’index il me tapotait agressivement la poitrine-, c’est vous qui faites ces tableaux infects. Bordel, mais qu’est-ce qui vous pousse à peindre des trucs pareils ? C’est morbide, écœurant, phosphorescent de putridité. Mais vous appelez ça de l’art et vous vous prenez pour un artiste. J’ai vu votre Bouquiniste N°4 dans une galerie pas plus tard que l’autre jour, eh bien, j’en ai eu des hauts-le-cœur. »

Cadavre exquis
Robert Irwin

Traduit de l’anglais
par Éric Chédaille
Phébus
288 pages, 135 FF

Robert Irwin l’illusionniste Par Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°18 , décembre 1996.
LMDA papier n°18
6,50