Véritable best-seller de la littérature allemande -ce fut l’ouvrage le plus lu en Europe au XVIe siècle- La Nef des fous de Sebastian Brant (1458-1521) continue sa navigation avec la même vitalité et, surtout, la même ironie. Paru en 1497, le livre a rencontré un succès immédiat avant de connaître un public encore plus large par sa traduction en latin. Cet engouement est difficile à expliquer : La Nef des fous ne témoigne pas d’un style littéraire véritablement fort, c’est une succession de poèmes de longueur variable consacrés aux vices de la société moderne, aux corporations ou aux voies d’égarement qui menacent tout homme de raison. D’ailleurs, la raison n’a pas vraiment de place dans cette poésie moqueuse : la folie est en toute chose, des « modes nouvelles » aux « voeux importuns » en passant par l’ingratitude ou les mauvaises femmes. « Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent… » pourrait-on dire pour reprendre le texte de L’Ecclésiaste. Dès lors, tout y passe : le clergé, la noblesse, la roture, la magistrature, l’université, le négoce… Né à Strasbourg, Brant s’est occupé des affaires de cette ville comme syndic et juryconsult de 1500 à 1521. Ce métier l’a sûrement aidé à mieux voir l’hypocrisie de ses concitoyens, leurs duperies, leurs mensonges… leur folie. Chaque thème de l’ouvrage (en est-il un d’oublié ?) est ainsi introduit par un tercet, puis repris par un poème, comme ce Des inquiétudes superflues : « Est grand fou qui veut se charger/ D’un fardeau qu’il ne peut porter,/ Et croit mener tout seul à bien/ La tâche où à trois on échoue. » La verve du caricaturiste ne connaît pas de repos pour dénoncer les prétentions de ses semblables. La Nef des fous a des allures de catalogue des tares humaines (une des raisons de son succès) : on ne se lasse pas de cette parade ridiculisant tout un chacun. Cette vaste farce, proche de Rabelais, réutilise à sa sauce les mythes et les légendes ou les récits de La Bible pour rappeler l’éternité ridicule du genr
La Nef des fousSebastian BrantPrésentation et traduction de l’allemand de Nicole Taubes
José Corti376 pages, 150 FF
Histoire littéraire Le monde fou
novembre 1997 | Le Matricule des Anges n°21
| par
Marc Blanchet
Un livre
Le monde fou
Par
Marc Blanchet
Le Matricule des Anges n°21
, novembre 1997.