De son bord de monde, « le bord est le seul lieu » Joan-Pèire Tardiu peint des poèmes-paysages crépusculaires, balayés par les éléments, érodés par le temps, figés par l’hiver.
De la brume, émerge un causse récurrent, nef des fous, arche de Noé ; haut lieu minéral, ponctué de murets effondrés, là, règne « le silence où s’attise la perte ».
Si le vent, très présent, hystérise les sensations, « le vent prolonge l’âme », l’eau est l’élément primordial.
L’eau s’infiltre, dégouline, hâche le réel, sans jamais parvenir au fleuve qui efface, noie la mémoire. Eau qui paradoxalement entre en résonnance avec les termes ; manque, perte ou abandon et renvoie à un au-delà. Au-delà de l’eau, plutôt au-delà des larmes, c’est lorsque âme et corps délavés de chagrin entrent dans cet état extatique, que l’on pourrait nommer sérénité du désespoir, qui privilégie l’immédiateté, « se vautrer dans l’instant gorgé d’eau » et la voyance. Il n’est point ici question de nostalgie ou de mélancolie, mais d’angoisse à être au monde, exilé intérieurement.
Angoisse qui sourd depuis les origines et amène le poète trop lourd de verbe, de sens, d’images au dépouillement incisif illustré parfaitement par ce tissage de mots et de silence qu’est Absence de la mer, recueil bilingue occitan/français de quatre textes en vers libres. « Je ne sais si je peux me connaître autrement que détruit comme mur de maison au crépuscule. »
Né en 1954 dans le Lot-et-Garonne, Joan-Pèire Tardiu, professeur de français publie en occitan depuis 1972, collabore aux revues L’Ether Vague et OC, a traduit les poètes et romanciers italiens Leopardi, Quevedo, Federigo Tozzi.
La Mar quand i es pas/
Absence de la mer
Joan-Pèire Tardiu
Traduit de l’occitan
par Denis Montebello
Editions Jorn
195 pages, 120 FF
Poésie Au-delà de l’eau
janvier 1998 | Le Matricule des Anges n°22
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Au-delà de l’eau
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°22
, janvier 1998.