Disparu prématurément à l’âge de 40 ans, Shiva Naipaul n’aura pas eu le temps de construire une œuvre aussi conséquente que celle de son célèbre aîné, V.S.Naipaul. Pourtant, à lire Le Voyage inachevé du premier, on pense au deuxième tant les thèmes explorés par l’un et par l’autre sont proches. Le racisme, le tiers-monde, les sociétés modernes et l’héritage post-colonial, autant de questions qui tiennent a priori plutôt du documentaire ou de l’essai, mais où, ici, affleure constamment l’autobiographie. Né en 1945 dans l’île de Trinidad, l’auteur appartient à une communauté d’Indiens de religion hindoue originaires de l’Uttar Pradesh et émigrés dans les îles des Antilles britanniques au temps de l’Empire. Fils de journaliste, éduqué à Oxford, Shiva Naipaul devient écrivain voyageur comme on part à la recherche de soi, dans une inépuisable quête de ses origines. « Tout voyage est une forme graduelle d’auto-anéantissement » note-t-il dans ce livre qui regroupe ses derniers écrits. Une quête hasardeuse que l’auteur compare à l’écriture d’une œuvre de fiction. « Quand on commence, on ne sait pas forcément où l’on va ni pourquoi on y va » précise-t-il encore comme pour éclairer le paradoxe de ce projet sur l’Australie qui démarre au Sri Lanka et qui sous-tend au fond l’ensemble de l’ouvrage. Un paradoxe revendiqué dès le premier article intitulé Pourquoi l’Australie ? où Naipaul s’en explique : « la question, pour »naturelle« qu’elle soit, témoigne d’un manque de compréhension de la manière dont naît un livre et dont un écrivain tel que moi se met à la tâche. La question cherche à pénétrer dans des régions qui devraient demeurer discrètement inviolables, dont on devrait respecter les points obscurs. » Et en ce sens-là, le voyage ne saurait s’achever. A mi-chemin entre la chronique, l’essai, le point de vue, le récit ou encore la fiction -l’auteur se joue de toute classification hâtive- cette somme révèle avant un tout un esprit résolument indépendant, hostile à tout préjugé
Le Voyage inachevé
Shiva Naipaul
Traduit de l’anglais par
V. Barranger et C. Belvaude
10/18
169 pages, 41 FF
Poches L’obscur objet du voyage
septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
L’obscur objet du voyage
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°24
, septembre 1998.