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Poches Chasseur d’insolite

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Richard Blin

Braconnier de merveilles, collectionneur d’instants et d’objets de nature, Patrick Cloux nous dévoile les bonheurs de la marche à l’estime.

Tout en sensations buissonnières, en en-allées heureuses, en manière délivrée d’être au monde, la chronique de nature qu’est Marcher à l’estime, un livre dont la première édition remonte à 1993, c’est-à-dire bien avant la vogue des marcheurs béats d’aujourd’hui. Recueil de glanes, d’expériences vécues, d’instantanés, collection d’émerveillements, de choses vues, ce livre est le fruit d’une germination ininterrompue, nourrie au fil des marches et des rencontres. Mais d’abord, il est invite à sortir de soi, à retrouver des sensations brutes, à jouir du bonheur d’aller au hasard en oubliant un peu l’animal social et toutes ces choses qui nous obligent et nous accaparent. Exhortation à réveiller notre conscience d’être au monde, à fuguer dans une sorte d’oubli qui devient présence plus aiguë à ce qui est.
Invite donc à augmenter notre sensation de vie à travers la pratique de la déambulation hasardeuse, de cette forme de marche quelque peu décousue ou capricieuse qui est science subtile de l’égarement, manière de laisser venir l’inattendu et son ravissement subit. Chaque sortie, chaque promenade offre sa surprise – le surgissement d’une biche, la découverte d’un œillet sauvage –, sa rencontre – un gîte de renardeaux ou un nid de cailles –, sa ou ses trouvailles : « Ramasser un morceau de bois est un acte naturel dans la continuité du plaisir de la marche. »
Sensible aux formes « insolites ou loufoques, suggestives ou burlesques », Patrick Cloux collecte ce qu’il appelle des « objets de nature » : nœud de genévriers, racines torses, loupes d’arbre, excroissances ligneuses, appendices contournés, « chefs-d’œuvre de repli, alors que tout dans l’arbre vit sur un mot d’ordre de dépliement, de déploiement ». Des formes inédites, uniques, des riens qui sont pourtant des « capteurs d’intensité », des objets « rayonnant d’une énergie accumulée à se fabriquer d’aussi lentes qualités ». À la jubilation de leur découverte s’ajoute l’idée qu’ils sont les produits d’une invisible « fabrique de merveilleux ». Des objets rares qu’il rassemble au sein d’une collection où il fait jouer l’intelligence des lignes comme les accords ou les clivages.
Tout passe par le regard, par un art de voir qui est aussi collecte d’images, de révélations d’un instant : lumière dans une flaque d’eau, menues graminées, irisation d’un ciel, bonsaï sculpté par le vent, la pierre et l’aridité, caillou façonné par l’eau d’un torrent ou par l’avancée d’un glacier. Des bonheurs simples qui sont autant d’arrêts sur détail, sur des réalités qui exigent qu’on s’attarde, et qui démontrent que l’homme est loin d’être le seul créateur, qu’il existe un fantastique naturel, et que la nature est un vaste cabinet de curiosités à ciel ouvert. « Regarder pour la trentième fois l’orchis, la trois centième fois la capsule sèche d’un pavot », repérer quelques-unes des formes qui font partie des figures fondamentales de la charpente de l’univers – comme l’arborescence, la spirale, l’empilement – ou encore se perdre dans les paysages qu’offrent les pierres imagées, c’est comme déambuler dans une galerie d’art à l’air libre. Et Patrick Cloux d’avouer que, par contraste, il trouve terriblement exsangue les expositions d’art contemporain. Quant au Land Art, il ne le goûte guère lorsqu’il hésite « entre sculpture et travaux publics ». Et de préciser que « les volcans font du land art. La taupe fait du land art. Le Land Art n’en fait plus. » Par contre, il aime la façon dont les œuvres incertaines et éphémères d’Andy Goldsworthy ou de Nils Udo l’aident à « traverser le monde avec des yeux neufs ». Ce qui est vrai aussi pour les logogrammes que Dotremont traçait dans la neige, « sur cette grande page blanche immaculée qu’est la Laponie ». « Il était un poète d’incipit, ouvert entièrement aux commencements, à la renaissance. » Ou pour les œuvres de ces deux maîtres d’émerveillement que sont Roger Caillois et Baltrusaïtis, par ailleurs grands amateurs de « fantastique réel ». Vrai également, dans un registre urbain, pour les déambulations d’André Hardellet, « le pendule des nervaliens à la main, la clope au bec » errant « au milieu des éboulis d’un Paris de promoteurs, cherchant l’ombre sans la proie ». Ou pour Bruce Chatwin, « un regardeur-né qui savait saisir ce qu’une situation offre de dévoilement, de présence, de justesse ». Un jugement qui s’applique à merveille à Patrick Cloux lui-même, à son appétit sensuel du monde, à son dilettantisme cultivé, à son sens de l’émerveillement, à sa façon de se laisser traverser par le poème du monde.

Richard Blin

Marcher à l’estime
Patrick Cloux
Le Temps qu’il fait, 144 pages, 10

Chasseur d’insolite Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
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