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Égarés, oubliés Le cabochard et son Brûlot : Gustave-Arthur Dassonville

septembre 1998 | Le Matricule des Anges n°24 | par Éric Dussert

Gustave-Arthur Dassonville : un nom empreint de noblesse pour un parcours qui n’en manque pas. Le patronyme de Dassonville ne doit pourtant rien à l’Armorial nobiliaire de Louis-Pierre d’Hozier. On le rencontre plutôt dans le Dictionnaire biographie du mouvement ouvrier de Jean Maitron où figure une lignée de socialistes et de syndicalistes du Nord de la France. Il n’est pas certain que Gustave-Arthur Dassonville -Gustave comme Hervé et Arthur comme Rimbaud- soit un descendant de ces émancipateurs du peuple mais il est bien né dans leur région le 14 novembre 1913, à Hasnon près de Valenciennes, et a fait depuis la preuve de ses penchants pour la subversion.
Issu d’une famille catholique de tendance rigide, Dassonville passe aujourd’hui encore auprès des nigauds pour un anarchiste de droite. Ce vilain oxymoron voulant décrire un individu en quête de sa totale indépendance sociale sans pour autant revêtir les nippes de l’anarchiste de gauche officiel. Disons pour simplifier que Dassonville était un cabochard fort en gueule ou encore, selon l’expression consacrée, un individualiste forcené. Il a d’ailleurs eu cette vocation très jeune puisqu’après s’être risqué au poème et à l’essai -avec des titres dont on reconnaîtra la franchise : Et les patrons deviendront nos valets (1934), Les Bellicistes au poteau (1936), il lance Le Brûlot en janvier 1936. « Témoignage des réactions d’un individu devant l’actualité », ce sera son pamphlet périodique personnel. Son premier abonné n’est pas moins que le directeur du Crapouillot, Jean Galtier-Boissière qui reconnaît l’intérêt vivifiant de sa démarche. Dans la tradition de la revue uninominale qu’ont illustrée André Lorulot, René-Louis Doyon ou René de Planhol – sans oublier Rochefort et Les Guêpes d’A. Karr dont il se fait un modèle –, il publiera son canard pendant soixante et un ans. En décembre dernier, il avait glissé un Supplément au n° 350 et dernier : « 84 ans, de l’angine de poitrine, la vue qui baisse. N’étant pas sûr de pouvoir continuer Le Brûlot sous sa forme et dans les délais actuels, je préfère l’arrêter. » Bravement, il ajoutait « Je compte continuer à écrire » mais son projet fut déçu lorsque le 24 janvier 1998, sitôt l’ultime livraison expédiée aux abonnés, Gustave-Arthur Dassonville quittait son monde d’encre et de papier.
Les articles nécrologiques furent rares dans la presse littéraire. Néanmoins, Gustave-Arthur Dassonville a laissé sa marque dans le milieu des amateurs de typographie et de livres illustrés. Après un début de carrière au ministère de l’Instruction qu’il quitte en 1950, Dassonville a mené la modeste existence de courtier en livres anciens, établissant des catalogues de librairies, chinant parfois. Surtout, il organise sa maisonnette de Bagnolet comme un atelier où il imprime « en chambre » bien d’autres choses que Le Brûlot, à son rythme, à petit nombre, pour les amis. Ses machines Triumph-Adler et Geha crachent le Catalogue des impressions de Feu Monsieur François Bernouard, fruit de sa collection, ou celui du phénoménal ensemble de revues constitué par le collectionneur André Vasseur.
Pour le « plaisir de quelques-uns », il édite des cartes postales, des textes de Louÿs, Maeterlinck, Apollinaire, Rilke, Robert Ganzo qu’il a le bon goût d’enrichir d’illustrations de Max Bucaille, Mario Avati, Sonia Delaunay, Yves Yacoël ou de sa propre épouse, l’illustratrice belge Ginette Litt qu’il avait rencontrée grâce à André Blavier… En 1962, sortant de la librairie parisienne de Jean-Jacques Levêque les bras chargés de livres, le Belge bibliographe Blavier était entré durement en contact avec l’auteur du Brûlot – petit bonhomme rondouillard tel que s’en souvient François Caradec. Les ouvrages en churent tandis que les deux « bibliophilous » – le mot est de Blavier – faisaient connaissance en pliant le jarret pour les ramasser… Mais l’histoire n’est pas que d’anecdotes et il faut espérer que notre homme aura droit à des attentions posthumes lorsque l’on réalisera qu’il côtoyait tous les jours Tzara vieillissant, qu’il correspondait avec Benjamin Péret, René Char, Pascal Pia, Michel Seuphor, Pierre-André Benoît, Maurice Carême ou Jean Cocteau.
Soucieux de sa liberté de parole, parfois en butte à la censure, il s’est remémoré en décembre 1985 ses débuts : « J’ai publié, écrivait-il, ma première brochure à vingt ans. Ensuite, deux ou trois articles m’ayant été refusés, je décidais de devenir mon propre censeur ». Des poésies et des petits contes politiques ou sociaux voient le jour dont le plus court, Conte bref, militaire et colonial, mérite d’être cité in extenso : « Le caporal-chef de l’infanterie de marine conseillait paternellement le vieil arabe… ». Sardonique et râleur, cet empêcheur de guerroyer en paix use de la dérision. Ainsi lorsqu’il veut épingler les baudruches de la peinture conceptuelle, édite-t-il une carte postale blanche immaculée, simplement rehaussée d’une touche de peinture (blanche) et signée « G.A. Dassonville Artiste hyper-minimaliste, maxi povero et sur-conceptuel ».
Mais son chef-d’œuvre reste un tout petit pamphlet anti-De Gaulle imprimé en 1965 sur papier de boucherie rouge sang. Le document qui se compose de quatre pages parfaitement vierges à l’exception de la couverture imprimée, porte le titre ronflant d’Hommage à la Ve République, précédé d’un Eloge de son fondateur, et suivi de l’Apologie du coup d’état de mai 1958. De quoi reléguer Malraux au rang de faire-valoir. Pourtant on imagine mal Dassonville dans le rang des Debré et consorts. Pour cause : contre les sirènes assommantes de « l’énorme littérature alimentaire soumise et respectueuse que le sujet a inspiré depuis sept ans à nombre d’écrivains besogneux », il alimente ses pages blanches -c’est-à-dire rouges- d’une petite prière d’insérer explicative où il déclare «  A la réflexion (avoir) préféré publier son ouvrage en blanc. Il résume (ainsi) toutes les raisons que l’on peut avoir tant d’admirer la 5e et son fondateur que de leur apporter une approbation lors de la prochaine consultation électorale. » Pour cela, le circonspect Dassonville peut être considéré comme l’inventeur du pamphlet sympathique, de la diatribe silencieuse et de l’insulte polie.

Un Supplément au Catalogue des impressions de François Bernouard sera publié par Ginette Litt cet automne
La Typographie (30B rue Molière, 93170 Bagnolet)

Le cabochard et son Brûlot : Gustave-Arthur Dassonville Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°24 , septembre 1998.