Les nouvelles du romancier et dramaturge anglais William Somerset Maugham (1874-1965) s’inscrivent dans la tradition de la nouvelle contée (héritée du Décaméron de Boccace et transmise par Maupassant), dans laquelle un personnage se substitue au narrateur pour rapporter, sur le ton de la confidence, une histoire à laquelle il a été mêlé.
Si aucune des rencontres n’est banale, c’est que, dans ce florilège, chaque être renferme en lui tout un monde : de la Sévillanne meurtrière au tuberculeux condamné, de la mannequin faussement ingénue à l’avocat historien, chacun incarne en effet un être à la personnalité particulièrement marquée (au point, parfois, de l’être vraiment trop). Mais ces rencontres sont rarement des aubaines : elles marquent plutôt le point de départ d’une aventure funeste, annoncent une situation difficile, se permettent de ruiner une famille ou de briser des vies -quand elles ne tuent pas, avec une violence inouïe. Le hasard fait si mal les choses, et avec une telle constance, une telle application, que l’on devine que Maugham y a mis du sien pour rendre malveillante chaque intervention de la providence… Et les amours tournent si mal (on ne sait guère aimer que dans la douleur) que la souffrance et la haine deviennent le lot de tous, et le crime passionnel une nécessité…
On resterait peut-être plus longtemps sous le charme du conteur (qui séduisit d’ailleurs Orwell et Chandler, ce qui n’est pas rien) si le besoin de procéder à la typisation des personnages ne l’avait contraint à user de stéréotypes malheureux comme « L’amour va vite en Espagne », ou encore « En Espagne, on aime la danse et on aime regarder danser », poncifs dont la fréquence laisse à craindre qu’il ne s’agisse pas seulement d’un procédé littéraire…
Rencontres et hasards
Somerset Maugham
Traduit de l’anglais par
J. Dobrinsky, J. Martin,
P. Nordon, M. Ouvrard
10/18
382 pages, 47 FF
Poches Rencontres fatales
janvier 1999 | Le Matricule des Anges n°25
| par
Didier Garcia
Un livre
Rencontres fatales
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°25
, janvier 1999.