Pour le narrateur de Probablement en villégiature à Soulac, station balnéaire médocaine, les jours suivent leur cours ordinaire. C’est de cet ordinaire que Jacques Tati faisait ses films et c’est de ce même ordinaire que l’écrivain nourrit ses carnets de notes. Chacun développe le même parti pris qui consiste à mettre le doigt sur ce qui, placé sur le bout de son nez, se dérobe pourtant au regard. Passé la plage et le sable fin, c’est la conscience de milliers de chômeurs en vacances qui s’impose à la vision du narrateur de Probablement. Mais s’il s’agit de désigner les caractéristiques de notre société, c’est non pas avec la distanciation de l’anthropologue mais avec celle, totalement subjective, de l’artiste qui se prend pour objet d’étude.
« Ce qui se passe dans le monde, écrit Hubert Lucot page 15, finalement, se passe en nous. (…) J’observe les manifestations dont Je est le théâtre. »
De la courette de la villa où il passe le plus clair de son temps, des rues avoisinantes ou de la plage où il se rend deux fois par jour, le narrateur se laisse envahir par des informations extérieures, vues, entendues, ressenties, lesquelles comme des électrons libres, se faufilent dans les recoins de la conscience et viennent percuter une pensée en formation. L’écriture d’Hubert Lucot, dont le principal souci est de rendre compte formellement de ce va-et-vient incessant entre ce qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur de nous, entre un présent et un passé susceptible de surgir à tout moment par le truchement de la mémoire, entre le particulier et le collectif, peut surprendre et déconcerter. Mais les rêves aussi déroutent par leur apparente absence de structure celui qui s’en souvient le matin au réveil. Hubert Lucot écrit comme on rêve, sans contraintes et sans limites.
Trois chapitres de Probablement ont fait l’objet de publications sous forme d’affiches (1m20 x 1m76) par l’Association vers le livre d’artiste, 18 rue Victoire-Américaine, 33000 Bordeaux.
Probablement
P.O.L
214 pages, 110 FF
Domaine français Les vacances de M. Lucot
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Marie-Laure Picot
Un livre
Les vacances de M. Lucot
Par
Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.