On imagine aisément Antonio Tabucchi somnolant à demi à sa table de travail, les yeux dans le vague, l’esprit furetant d’un livre à l’autre, ceux de ses auteurs préférés. Rêves de rêves aurait pu naître comme ça, dans une sorte d’oubli de soi. Perdu dans ses pensées, l’écrivain s’empare de celles des autres. Erudit sans frontières, spécialiste de littérature européenne et surtout romancier, Tabucchi construit une œuvre où les héros avancent toujours entre rêve et réalité. Grand traducteur de Pessoa, l’homme aux hétéronymes, l’auteur italien se prend à son tour au jeu de la multiplicité.
Il s’empare ici des plus hauts destins (Caravage, Dédale, Tchekhov, Stevenson, Goya…) pour en tisser un nouvel épisode. De la biographie hautement romancée et revendiquée comme telle dans un geste d’affirmation de totale liberté en littérature. Mais ces petits essais de fictions tombent parfois un peu à plat. Freud, dont le rêve clôt inévitablement le recueil, serait sans doute un peu déçu du voyage. On pouvait espérer mieux d’Antonio Tabucchi. Lui-même d’ailleurs, en note préliminaire, en appelle à l’indulgence du lecteur : « Je me rends pourtant compte que ces récits de substitution, imaginés par un nostalgique de rêves ignorés, ne sont que de pauvres suppositions, de pâles illusions, d’improbables prothèses. Qu’ils soient lus comme tels ». Soit. Sélection faite : on lira au moins le rêve de bonne chère du moine Rabelais et surtout celui, fulgurant, qu’il prête à Federico Garcia Lorca, la veille de son exécution par les soldats franquistes en août 1936.
Rêves de rêves
Antonio Tabucchi
Traduit de l’italien
par Bernard Comment
10/18
158 pages, 38 FF
Poches Mauvais rêves
mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26
| par
Maïa Bouteillet
Un livre
Mauvais rêves
Par
Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°26
, mai 1999.