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Domaine étranger La chute des corps

mai 1999 | Le Matricule des Anges n°26 | par Maïa Bouteillet

Clocharde et lyrique, l’écriture de l’Américain William T. Vollmann se niche au cœur des ruines de la littérature. La preuve en deux romans.

De bars crados en filles déglinguées, le vieux Jimmy effectue un étrange voyage au cœur des trottoirs de San Francisco pour faire le portrait de Gloria. Femme disparue ou icône abstraite à laquelle le narrateur tente désespérément de donner chair ? William T. Vollmann brouille toujours plus les pistes. A mesure que l’image se fait plus nette, la réalité devient plus fuyante. Le regard, les détails isolés, les visions superposées jouent un rôle essentiel dans le roman kaléidoscope de Vollmann. Des putes pour Gloria enfile les chapitres comme des plans séquence qui presque tous portent en titre un prénom de femme, Nicole, Peggy, Pearl, Dinah… Des prostituées dont les gestes, les mèches de cheveux, les souvenirs sont autant de triste matière volée dont le misérable se sert pour modeler sa déesse. Sa femme, sa putain, sa petite sœur : Gloria est toute ces femmes à la fois.
Bientôt la seule figure qui apparaît est celle de la solitude. Celle d’un ancien du Vietnam devenu à moitié clodo. Au début du roman, on le rencontre en pleurs, pendu au téléphone d’une cabine publique depuis longtemps hors service. « Quand on est adulte on doit faire comme si on était avec quelqu’un d’autre. C’est vraiment beaucoup de travail, de souci en permanence », se lamente Jimmy. Et plus loin : « Si je t’aime assez fort est-ce que je serai en mesure de te voir ? »
Obsédante, cette idée de femme l’entraîne toujours plus loin dans le concret sordide. « Peggy releva sa robe au-dessus de la taille et s’agenouilla à même le sol crasseux en relevant ses fesses la fente toute saillante comme si seuls ses poils gluants et emmêlés l’empêchaient de jaillir d’entre ses cuisses ; cette motte puante ressemblait vraiment à une araignée noire cramponnée là et prête à bondir, les jambes de Peggy étaient couvertes d’ovales noirs et de furoncles. »
Et au milieu de ces corps ravagés parfois jusqu’à l’insupportable, jaillissent des moments d’enfance d’une lumineuse poésie. Parmi les poubelles et les dealers, surgissent d’on ne sait où, Jimmy et Gloria, encore tout mômes, partageant secrètement d’innocentes escapades. Subrepticement les mots se mettent alors à briller comme des éclats de verre sur les trottoirs gluants. L’écriture fragmentaire dessine une réalité éclatée. La langue se métamorphose au fil de cette étrange composition décomposée.
Le même Jimmy passera furtivement dans Treize Récits et treize épitaphes qui paraît simultanément. Même procédé mosaïque ici, même violence sordide des situations où, une fois de plus, putains, clochards et fous à lier tiennent le haut du pavé. Traversant les espaces, les époques et les références (Giordano Bruno, Lénine, Edgar Allan Poe) Vollmann y explore plus avant encore les mécanismes de la perte du réel, de la dégradation.
Ces deux romans, parus en 1991 aux Etats-Unis et tout juste traduits (après les Nuits du papillon l’an dernier), font découvrir en France un écrivain dont l’étonnante et imposante production (une douzaine de livres publiés en douze ans) l’inscrirait déjà outre-Atlantique dans la suite des plus grands. Il paraît que là-bas, on le range aux côtés des Burroughs, Selby ou Pynchon.

William T. Vollmann
Des putes pour Gloria
et
Treize Récits et treize épitaphes
Traduits de l’américain
par Christophe Claro
Christian Bourgois
205 et 468 pages, 110 et 160 FF

La chute des corps Par Maïa Bouteillet
Le Matricule des Anges n°26 , mai 1999.
LMDA PDF n°26
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