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Théâtre Keene, hors les lois

janvier 2000 | Le Matricule des Anges n°29 | par Laurence Cazaux

La France découvre depuis peu l’œuvre de cet Australien attaché à donner la parole aux exclus dans un théâtre hors normes, réaliste et violent.

Daniel Keene intéresse de plus en plus de monde en France. Tant mieux, cela devrait faciliter la découverte d’un auteur très singulier. Trois pièces de cet Australien de 44 ans, aux multiples talents (écrivain pour le théâtre, le cinéma, la radio, la télévision, traducteur, metteur en scène, cofondateur de la revue Masthead…) sont traduites et éditées en français, aux éditions Lansmann et chez Théâtrales. La Scène nationale du Creusot a créé en juin 1999 Low et Jacques Nichet à Toulouse a mis en scène Silence complice. Enfin, le Théâtre de la Folle Pensée, la compagnie de Roland Fichet, vient de passer à l’auteur une commande d’écriture.
Keene choisit de parler des exclus de la société d’aujourd’hui. Silence complice, c’est le nom d’un lévrier de course, une « affaire » proposée par un mafieux à deux hommes au chômage, Bill et John. Ce chien devient le symbole de leur volonté de s’en sortir, de gagner de l’argent. Mais un enchaînement implacable de faits va mener les deux protagonistes au bord du gouffre, de la folie et de la mort.
La deuxième pièce Terminus suit les traces d’un autre John, « un nom très commun », entre un premier et un deuxième meurtre qu’il commet gratuitement. Tout au long de ces deux œuvres, les personnages n’arrivent pas à vivre leur vie. Dans Silence complice, le langage leur résiste. Comme le titre l’indique, ils doivent « fermer leur gueule ». Les phrases sont courtes, souvent inachevées. Les personnages ont du mal à énoncer leurs propres idées, sauf à de rares moments de confession, de monologues, quand Bill avoue par exemple se sentir comme son propre fantôme : « Je suis devenu quelqu’un d’autre, quelqu’un pour qui je n’étais pas fait. Comme si je portais un déguisement. Et c’est à peine si je me reconnais. » Dans Terminus, John semble extérieur à lui-même. Il tue, fait l’amour, et pourtant il nous paraît étrangement absent.
Ces pièces de Keene sont hors les lois : « Les lois, c’est pour que les gens se sentent à l’abri les uns des autres. Qu’ils se sentent à l’abri d’eux-mêmes. Qui dit qu’on devrait pas s’entre-tuer ? La loi. Pourquoi on a fait la loi ? Parce qu’on a peur. On a peur de nous-mêmes. De ce dont on est capable. On punit les gens de pas avoir assez peur d’eux-mêmes et de ce qu’ils sont foutus de faire. »
Le ton de Silence complice est plutôt réaliste, particulièrement dans la langue employée. Les deux personnages sont très incarnés, la tension monte tout au long des 22 scènes, oppressante. Le dénouement, qui pourtant est annoncé dès le départ, comme dans une tragédie, surprend quand même le lecteur.
Terminus est plus déroutant par l’éclatement du style. Certaines scènes très réalistes peuvent basculer brutalement dans un univers poétique. On a l’impression d’une partition qui mélangerait le rock, le rap, le blues, le religieux, l’opéra et le bruitage. Des citations de Richard III de Shakespeare se mêlent à des prières chrétiennes, les ivrognes forment un chœur, un brigadier de police philosophe, un clochard se prend pour un nouveau Jésus, roi des Gitans, le tout entre deux meurtres… Le lecteur est parfois complètement perdu et même dérangé à certains moments par une sorte d’exaltation religieuse, effrayante. Mais peut-être faut-il simplement lâcher prise et se laisser travailler souverainement par cette œuvre qui réagit contre le vide spirituel d’une époque.

Silence complice
Terminus
Daniel Keene

Traduit de l’australien
par Séverine Magois
Éditions Théâtrales
174 pages, 124 FF

Keene, hors les lois Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°29 , janvier 2000.