Dans un petit village polonais, au début des années trente deux jeunes gens découvrent les premiers émois de l’adolescence. Mais Perla est juive et la danse que Wladek entame avec elle lors de la fête du village est prohibée par leur communauté respective.
Pour mettre fin à cet amour défendu, sa mère l’envoie rejoindre son père parti travailler aux États-Unis mais l’adolescente enceinte n’ose pas se présenter à lui. Hébergée dans une famille juive new-yorkaise elle met au monde un enfant qui lui donne le courage de surmonter sa colère et la douleur de la solitude. Sans mièvrerie le récit à la première personne parvient à créer une véritable émotion et l’on partage cet apprentissage douloureux de la vie et de la maternité au travers des liens qui se tissent entre la mère et l’enfant.
Les événements historiques font alors basculer l’intrigue sentimentale dans l’horreur et l’insupportable. Revenue en Pologne, à la recherche de sa mère et de son amour perdu, Perla est prise au piège et assiste incrédule à l’invasion du pays par les troupes allemandes. Ses proches ne sont plus au rendez-vous et, rejetée par Wladek, elle se retrouve enfermée comme tous les habitants du shtetl dans un camp à proximité de la ville de Lublin.
Le désespoir est immense dans l’enfer du ghetto et c’est grâce à la musique qu’elle va parvenir à se reconstruire un semblant d’existence et échapper à la cruauté de la réalité. Elle enseigne aux enfants les rythmes du blues et, à travers la peine des Noirs des ghettos américains, la mémoire et les rêves se glissent dans les interstices de la terreur et de l’oppression. La délivrance survient pourtant de façon presque irréaliste grâce à l’intervention de Wladek et c’est en sauvant elle-même une fillette qu’elle s’autorise à ne pas partager le destin des siens.
Dans un style simple, plein d’émotion contenue, cette évocation très juste restitue l’atmosphère de l’entre-deux guerres et l’indifférence de la société face à la montée du nazisme. Les adolescents seront séduits par la douleur de ce témoignage qui interroge sur les raisons de l’injustifiable : au-delà de l’intérêt historique et de la qualité de l’écriture la force du roman tient en effet dans cette capacité à réveiller l’indignation.
La Danse interdite
Rachel Hausfater-Douieb
Éditions Thierry Magnier
120 pages, 43 FF
Jeunesse Rendez-vous manqués
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Benoît Broyart
Un livre
Rendez-vous manqués
Par
Benoît Broyart
Le Matricule des Anges n°31
, juillet 2000.