Le Réel surgit selon ses qualités réelles-d’obstacles

Avec ces deux plaquettes (tirées à 300 exemplaires seulement), après Difficile conquête du calme (Joseph K., 1996), Jean-Paul Michel, connu pour sa poésie, poursuit son œuvre en prose d’inspiration autobiographique.
Le premier texte répond à une question de la revue L’Animal : « Qui sont nos ennemis ? » Un court récit témoigne pour l’auteur mais aussi pour la génération née après guerre. « D’abord, on n’a pas d’ennemi. On connaît chacun pour ce qu’on l’aime. On loue la vertu d’instinct. La loyauté, le goût du don, la franchise, l’innocence, l’insouciance, le rire aux éclats… » Puis, à l’adolescence, en même temps que la sexualité, vient la découverte du réel à travers le jeu social. Regard porté sur le monde des adultes, lecture de cet univers, découverte de ses ruses. Et révolte. « Plus tard, on s’invente des combats. On élit les ennemis les plus redoutables, les plus puissants… »
Un moment fut entre tous marquant pour cette génération : « Nous avons eu beau faire, le monde n’a pas cédé. Nous avions bien eu, pour nos vingt ans, cette fête incroyable, cette liesse sans égale qui, un instant, exalte, de voir, croit-on, danser la vie avec l’idée ; mais, par après, l’élément banal aurait assez banalement retrouvé son assiette. »
Face au monde qui nous résiste, contre « la part misérable du monde », il nous reste l’art et la pensée.
Malgré l’emprise généralisée de la représentation, c’est le parti que soutient l’auteur dans « Ô l’irréalité de chacun, dans l’irréalité générale ! » L’art décrypte le monde. Peut-il nous aider à accéder au stade éthique ? Il s’agit, en effet, de « ne pas choir, déchoir, descendre, nous abîmer dans la répétition du simplement donné sans mérite ».
« Le réel surgit selon ses
qualités réelles d’obstacle. »
et « Ô l’irréalité de chacun,
dans l’irréalité générale ! »
Jean-Paul Michel
Le loup dans la véranda
24 pages, 38 FF chacun