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Essais Oh les beaux jours

août 2001 | Le Matricule des Anges n°35 | par Éric Dussert

Voyages au pays de nulle part

À toutes les sauces des discours politiques et sociaux d’aujourd’hui, l’utopie a de beaux restes.
L’universitaire Raymond Trousson en retrace l’histoire littéraire dans deux récents ouvrages de référence.
Ceux qui ne croient plus au père Noël et aux lendemains qui chantent ne jugeront certainement pas nécessaire de jeter un oeil à l’essai du Belge Raymond Trousson, Voyages aux pays de nulle part. Les autres, ceux qui ont gardé une âme de rêveur et disposent encore d’imagination se régaleront de la réédition augmentée de cette Histoire littéraire de la pensée utopique dont l’étude offre toujours, depuis 1975, de délectables connaissances.
Entreprise, il y a encore peu de temps, l’histoire de l’utopie, sa mise en fiches bibliographiques, en thèses et en essais a été inaugurée en France par Régis Messac (1893-1944) avec Les Premières Utopies (1938). Pierre Versins (1923-2001) qui vient de disparaître avait pris le relais avec Outrepart, [une] anthologie d’Utopies, de Voyages extraordinaires et de Science fiction (Tête de feuilles-La Proue, 1971). Toute sa vie, ce militant de l’imaginaire aura consacré son énergie à établir la très littéraire Encyclopédie de l’utopie et de la science-fiction (L’Âge d’homme, 1972) qui, à défaut d’outils plus centrés sur l’histoire des idées philosophiques et politiques, fait encore office de référence. Né en 1936, Raymond Trousson n’a, pour sa part, pas cessé de fouiller le corpus des utopies depuis une trentaine d’années. Avec plusieurs essais dont le récent Utopistes et utopies (L’Harmattan, 1998) et un replet Dictionary of literary utopias dont on peut craindre qu’il ne paraisse pas en français, Trousson fait la synthèse sur un sujet aussi profus qu’épineux.
Si l’on excepte les sources bibliques et, par exemple, cette utopique Babel qui généra de nombreux projets linguistiques, la première utopie est celle de saint Thomas More qui situait nulle part son île effroyable. Effroyable parce que l’utopie est le plus souvent l’illustration du fameux dicton « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Il n’est que de lire le Voyage en Icarie du Français Etienne Cabet (1788-1856) ou la Cité du soleil du moine italien Campanella pour s’en convaincre. Chercher le bonheur des peuples conduit à produire des règles, des contraintes contre lesquelles le rêve d’harmonie et la liberté individuelle se brisent. Le XXe siècle a produit assez de monstres politiques pour qu’il ne soit pas difficile de le démontrer. Pourtant, l’exercice utopique reste une belle gymnastique de l’esprit dont le premier adepte français, resté anonyme, ne montrera les fruits qu’un siècle après Thomas More, en 1616, sous le titre du Royaume d’Antangil. La réédition en 1933 de cette oeuvre rapide par les éditions La Connaissance ne montre rien de plus qu’une démarcation des thèses de More. Il faut attendre encore plus d’un siècle pour rencontrer le véritable père de l’utopie moderne. Il se nomme Louis-Sébastien Mercier (1740-1814). Il a atteint une notoriété continentale avec L’An 2440, rêve s’il en fut jamais publié en 1771. Penseur doué, il signait là la première uchronie, ou utopie chronologique selon la définition qu’en a donnée Charles Renouvier en 1876 suivant le principe illustré par la phrase fameuse le nez de Cléopâtre avait été plus court, la face du monde en eût été changée. L’uchronie connut un praticien audacieux en la personne du Suisse Léon Bopp (1896-1977). Tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il déforma au jour le jour le cours des événements qui se déroulaient sous ses yeux. Emmanuel Carrère a apporté ses lumières sur cet écrivain peu fréquenté dans un essai au titre dépaysant, Le Détroit de Behring (P.O.L, 1986).
L’utopie et l’uchronie offrent d’infinies possibilités dont celle de voyager sans quitter sa chambre. Les lecteurs les plus sédentaires se régaleront du Dictionnaire des lieux imaginaires (Actes Sud 672 pages, 11,43 ). En authentiques tour-operator du rêve éveillé, Alberto Manguel et Gianni Guadalupi, ses auteurs, ont rassemblé les lieux imaginés par les écrivains les plus divers depuis qu’au XVIe siècle débuta la mode du voyage imaginaire. Fouillant les romans d’aventure, les livres jeunesse, l’immense marée des ouvrages fantastiques ou de science-fiction, les classiques (Gracq, Kafka, Grimm, etc.), d’André Dhôtel à Italo Calvino en passant par Léon Groc ou Alfred Kubin, ils proposent à peu de frais un ticket pour la lointaine contrée d’Erewhon imaginée par Samuel Butler ou les régions circonvoisines. C’est le miracle de l’utopie.

Voyages au pays de nulle part
Histoire littéraire de la pensée utopique

Raymond Trousson
Éds de l’Université de Bruxelles
318 pages, 25,15 euros
Dictionary of Literary Utopias
(Vita Fortunati et Raymond Trousson)
Honoré Champion
736 pages, 132.63 euros

Oh les beaux jours Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°35 , août 2001.
LMDA PDF n°35
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