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Poésie Deluy, sans fard

janvier 2003 | Le Matricule des Anges n°42 | par Marie-Laure Picot

Mêlant notes et souvenirs, le poète trace avec gravité le portrait en creux de toute une vie. Son nouveau recueil, l’un des plus beaux, est une leçon d’humanisme.

Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir

Peut-on aujourd’hui encore écrire des poèmes aux accents lyriques avec une matière de prose ? Tentative risquée d’équilibre que le poète Henri Deluy assume avec force à l’occasion de Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir. Un titre qui surprend et qui ne dit d’abord rien sinon une intention : par ce titre qui n’est pas un titre de livre de poésie, « je » signe un livre de poésie. « Car,/ Ce qui ne pourrait/ Le poème le dit. »
Par touches successives et tranchantes, le poète nous offre un livre de chair, de sang et d’amour, dans une langue souvent désincarnée. La matière du livre qu’on devine notes éparses, carnets, souvenirs est présente sous le travail de fragmentation et de scansion des poèmes. Brefs et précis, ils commandent une lecture rapide, images fugitives et saisissantes du passé : « La pute/ La lesbienne. Tête/ De singe. À double face./ Homme femme./ De haut en bas./ Le corps mince, l’œil/ Brutal. » ou figures, dont les noms suffisent à convoquer dans notre mémoire collective leur force emblématique : « Où les murs étaient/ Pires la nuit/ Que le jour./ Diego Rivera, Frida Kahlo,/ Une faucille et un marteau/ Brodés sur la chemise de nuit. »
D’autres personnalités marquantes de l’Histoire défilent dans ces pages, toutes ayant marqué par leurs actes des luttes sociales ou politiques d’un passé proche ou lointain, artistes révolutionnaires, combattants de la commune, poètes d’avant-gardes, ou guérilleros mexicains…
Mêlées à d’autres, anonymes, ces figures du passé dressent au fil de la lecture le portrait intime d’une vie. C’est aussi l’histoire rétrospective de sa formation intellectuelle que le poète livre à travers ces évocations fugaces de souvenirs, lieux, événements surtout (historiques ou anonymes), noms d’écrivains, morts d’écrivains : « Frédéric Nietzsche est mort : depuis hier./ Cent ans. Pas plus. Le mort : Frédéric Nietzsche.// Il est mort la même année qu’Oscar Wilde./ Guillaume Apollinaire avait vingt ans.// Mallarmé était mort depuis deux ans./ Pierre Reverdy n’avait pas onze ans.// Crevel, alors, Desnos, venaient de naître. »
Les vers sont brefs, les mots choisis pour leur sens le plus prosaïque, et cependant, de l’ensemble du recueil de poèmes, monte une émotion vive. On comprend mieux alors le titre du livre, son intention véritable. Cette volonté non-dissimulée de se dire sans fausse pudeur dans l’écriture, et sans se leurrer non plus sur la portée d’une telle entreprise : « Le poème : une fatalité/ qui se dégageait du hasard/ Pour donner à ta démarche/ L’allure d’un destin. »
Il règne un net accent de gravité dans ces poèmes qui s’attachent à décrire le passé, de la tristesse aussi à voir disparaître ceux qui ont marqué ce temps. Mais le ton n’est pas celui des regrets. « Que tu marches devant moi. Que/ Tu marches derrière moi./ Beauté. Que tu marches/ Autour de moi./ Que tu marches. S’il te plaît. » Pas de sentimentalisme dans ces pages, juste les faits et leur pouvoir d’évocation : « On donnait Le Docteur Jivago/ Au cinéma/ Le Royal/ Greta Garbo, alors,/ Jouait le rôle/ De Jeanne Moreau. »
Contrairement à ce que nous propose le plus généralement la poésie contemporaine, Je ne suis pas une prostituée, j’espère le devenir est un livre de don. Il nous invite à rester vivants, aux aguets et à prendre le monde tel qu’il est.

Je ne suis pas une prostituée,
j’espère le devenir

Henri Deluy
Flammarion
260 pages, 19

Deluy, sans fard Par Marie-Laure Picot
Le Matricule des Anges n°42 , janvier 2003.
LMDA PDF n°42
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