Trentenaire, David Lespiau s’essaye, après un remarquable livre de poésie énigmatiquement intitulé L’Épreuve du Prussien (Le Bleu du ciel, 2003), au récit : mais il s’agit d’un drôle de récit, un récit-poursuite, comme l’indique le titre. Tom, le personnage principal, va être en effet minutieusement observé, à travers différentes focales. Balayage mental d’une enquête multiple et distante, on retrouve Tom jouant (« Le jeu »), Tom « Dans la chambre », « À table », etc., selon chacun des dix chapitres. Mais c’est à partir de son propre cadavre (« Autopsie »), retrouvé brûlé et tacheté de marques noires, que le récit démarre. Réinventer le corps de Tom est ce que la phrase de Lespiau tente alors. Mais en l’exposant presque froidement, elle use d’un procédé d’amincissement, de clarification et de réduction parfois un peu laborieux. La Poursuite de Tom, à force de fascination pour des idées de construction formelle ou narrative, s’exténue. On s’ennuie également à la poursuite d’un Tom recouvert de caractères noirs, et à la sexualité vraiment cliché. Bien heureusement David Lespiau touche l’essentiel lorsqu’il laisse remonter en lui l’empreinte, même confuse, du monde sensible, de l’enfance, et de l’extériorité. Sa phrase, alors dénuée d’idées, enveloppe son sujet comme la chaleur le corps : elle nous touche vraiment, « même si la nuit tombe avec la fraîcheur et c’est encore meilleur dans l’obscurité, plus profond dans le noir, où les gestes se défont et résonnent avec eux-mêmes. Cela ressemble à la voix… »
La Poursuite
de Tom
David Lespiau
Farrago/Léo Scheer
112 pages, 13 €
Domaine français Tom pouce
septembre 2003 | Le Matricule des Anges n°46
| par
Emmanuelle Bal
Un livre
Tom pouce
Par
Emmanuelle Bal
Le Matricule des Anges n°46
, septembre 2003.