Sur la belle illustration de Jean-Gilles Badaire qui orne la couverture du Moi chronique de Jean-Pierre Georges figure un pèlerin circulant dans une coupe. Autant dire qu’il tourne en rond. Jean-Pierre Georges, lui, va de l’avant (circulairement) et tente de donner un sens à la vie. Las, l’exercice est vain puisqu’elle paraît hélicoïdale, pour le moins. De plus, « La vie est plus longue que large. » Cahin-caha, le géomètre propose un volume des formes courtes moqueuses, étonnées ou drôlement déprimées (« Je lis un livre si beau qu’il me rend malheureux ») qui constituaient l’ordinaire pas ordinaire d’une chronique de la revue Décharge. On y trouve dans un authentique désordre aphorismes, observations, sentences, mots d’esprit et autres formules réjouissantes : « Il faut distinguer les formalistes à sang chaud, plutôt couperosés, des formalistes à sang froid, plutôt ovipares. » Et pan.
Dans l’autodérision qu’il manie avec souplesse (« Mon fragment tire vers le sentencieux aphoristique, c’est pourquoi j’écris penché en arrière ») ou dans le commentaire amusé-désabusé, Jean-Pierre Georges se mesure à l’existence et jauge, vrai remède à l’orgueil, son activité littéraire. (« Écrire est un plaisir solitaire. Mais où est le plaisir ? »). Armé d’un trait assassin dans les pas du magistral Jules Renard, il apporte à l’esprit de ce dernier, gageure, rondeur et bonhomie. Pas toujours, évidemment : « -Je vais vous faire une confidence…/ -Faites-moi plutôt un café. » Posologie : une dose carabinée avant d’aborder la journée, une autre pour bien se coucher (rire en douce).
Le moi chronique de Jean-Pierre Georges
Les Carnets du dessert de lune, 120 p., 16 €
Poésie Ecorniflage des égos
novembre 2003 | Le Matricule des Anges n°48
| par
Éric Dussert
Un livre
Ecorniflage des égos
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°48
, novembre 2003.