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Domaine français Ces poupées vivantes

janvier 2004 | Le Matricule des Anges n°49 | par Philippe Castells

Avec une gaieté farouche, Lionel Bourg déroule la généalogie d’un mythe autobiographique. La vie, côté jardin.

Jardin de poupées

Tout part du jardin de l’oncle Henri, « frère puîné de la grand-mère de Bruno Essard », pensionné des ponts et chaussées résidant aux portes de la Vendée, et de sa marotte, innocente peut-on croire, de planter en lieu et place des fleurs de pauvres jeunes filles en plastique, démembrées ou seulement énucléées, tout du moins savamment abîmées, torturées par leurs précédent(e)s propriétaires.
Lionel Bourg se penche sur quelques images fortes de sa mémoire. Évitant de nous servir une quelconque resucée historique, il nous propose de découvrir certaines clefs de sa sensibilité. Celle-ci, malgré cette forte entrée en matière, n’a rien de macabre, tout au plus s’avère-t-elle désabusée, attristée peut-être, et résolument poétique.
Arrive un âge où, quand on se retourne, on reconnaît brillants dans l’obscurité du passé quelques phares, autant d’amers qui ont balisé notre vie, l’ont accompagnée. Ces éléments récurrents nous apparaissent comme de bénignes madeleines de Proust, mais plus que de la nostalgie, ils forment nos points d’ancrage émotionnels et, si ce n’est le fondement, ils dessinent le claveau central de notre personnalité.
Bourg, ici, veut les extraire de la gangue grisâtre des souvenirs véniels pour les ériger en légendes, il fonde ainsi sa propre mythologie et leur donne valeur de référents universels. De fait, il établit que le tournant de son existence fut souligné par un jardin, réel ou littéraire, ou par la proximité de poupées (de chair ou pas). La preuve en est : ce texte a été écrit sur les côtes bretonnes, le narrateur y rêvait « de faire main basse sur les figures de proue des vaisseaux qui s’éventrèrent jadis, jonchant un littoral ». Encore un jardin de poupées ! Que dire alors de son évocation des jardins ouvriers où il vida ses premiers verres, entre 8 et 12 ans, où des colosses virils, des estropiés du travail (mutilés, comme certains jouets par ailleurs) cultivaient des fleurs « pour les femmes », fallacieux alibi pour gauchir une tendresse un peu honteuse, et où, gamin, « il élaguait le silence » ? Révélation à l’enfant que le beau parfois se cache sous le rude. Ou encore, après la mort du frère aîné, alors qu’ils vivaient dans une ferme sans commodités, le père parti en Yougoslavie, que dire de cette poupée de chiffon que sa mère confectionna et du baptême de cette fille de tissus, « usurpatrice qui rien ne remplacerait » ? Et l’évocation des poètes : Michaux, Rilke, Saint-Pol-Roux, Cadou…, des nains de jardin, des dames (vraies ou fausses), etc. Ce rassemblement d’arguments finit par atteindre son but, même non avoué : en chaque vie se cache une fable. CQFD.
Et l’oncle Henri dans tout cela ? Il cultive ses vierges martyrs et, dans son « artificiel paradis domestique, asexué, qui ne pense qu’au sexe », il « attend il ne sait quoi sous le fourmillement des étoiles ». Morale du temps qui s’étend, et qui passe.
Chaque phrase de Lionel Bourg a les proportions exactes d’une réminiscence, elle s’étire, s’enroule, se noue parfois, comme si chaque souvenir était un long fil de la mémoire. Les parenthèses et les tirets jaillissent, fusent pour étoffer un propos, embellir une image, sans alourdir la phrase mais lui conférer une autre densité. Le vocabulaire varié, sans pédanterie mais plutôt avec une sorte de gaieté farouche, ce qui donne à la lecture une fluidité que la structure syntaxique n’induisait pas forcément, colle à la narration, dédramatisant les évocations les plus pénibles, les esthétisant. Les illustrations de Didier Poupeville (oh, le joli hasard de ce patronyme !) accompagnent dès lors les cheminements de cette démonstration lyrique avec un saisissant réalisme, tel un rêve figuratif aux contours atténués par la distance de l’image passée, une évidence.

Jardin de poupées
Lionel Bourg
Fata Morgana
88 pages, 22

Ces poupées vivantes Par Philippe Castells
Le Matricule des Anges n°49 , janvier 2004.