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Domaine étranger Indomptable Anibal

janvier 2004 | Le Matricule des Anges n°49 | par Jean Laurenti

En mêlant fiction et réalité, de Paris à Mexico via La Havane, Jorge Volpi fait le bilan amer de quatre décennies de pensée critique.

C’est sous les auspices de Cervantès que Jorge Volpi place son long et tortueux roman. Le chevalier à la triste figure trouverait certainement matière à errance et méditations sur les terres arides de la désolation idéologique : dans un espace temporel qui va de mai 1968 à la chute du mur de Berlin, le lecteur suit les efforts d’Anibal Quevedo pour rester fidèle à la cause révolutionnaire, malgré la succession des désillusions qui viennent ébranler sa foi. Mais par bien des aspects, le livre s’apparente au genre picaresque de l’époque baroque : on songe à El Buscón, ce roman de Francisco de Quevedo (ça ne s’invente pas) publié en 1626 qui conte les tribulations de don Pablo, vagabond aux mille métiers, dans les bas-fonds cosmopolites des villes espagnoles.
Ce n’est cependant pas avec la lie de la société qu’Anibal Quevedo va se lier : débarqué à Paris de son Mexique natal dans des circonstances confuses, ce psychanalyste de 40 ans va se trouver mêlé aux événements de Mai (qui lui inspirent d’abord dégoût et sarcasmes) et aux plus grands acteurs de la scène intellectuelle de l’époque. D’abord hostile à la méthode lacanienne, il réalise, au terme de la lecture de ses écrits, qu’il lui faut impérativement le rencontrer. Épiant les allées et venues des patients devant le cabinet de la rue de Lille, il va faire la connaissance de l’une d’eux, la belle Claire Vermont, qui est aussi la maîtresse de Lacan et une activiste du pavé parisien. C’est le début de la geste de Quevedo. Tombé amoureux de la jeune femme, il se rend chez Lacan où s’ébauche entre eux une sorte de sympathie. Bien sûr, Mai oblige, Danny le Rouge n’est pas loin, qui, entouré de comparses du mouvement étudiant est venu ce soir-là demander l’aide du maître. C’est une des constantes de ce roman de faire surgir sur le chemin de Quevedo les figures les plus inévitables. À la demande de Lacan, il poussera ainsi les portes de l’ENS de la rue d’Ulm pour se forger un avis sur la maladie de Louis Althusser. Plus tard, il entrera dans l’intimité de Michel Foucault, de Roland Barthes, et même de Fidel Castro dont il sera l’analyste. À leur contact il se fera penseur marxiste, philosophe nietzschéen du pouvoir, critique d’art, lecteur sémioticien des œuvres littéraires. Dans le cadre d’un projet aussi ambitieux que celui de Volpi faire le roman d’une génération intellectuelle, radiographier l’idée révolutionnaire et les manifestations de son délitement on peut comprendre ce désir de réunir le casting le plus prestigieux. On rendra hommage à ce propos à la grande érudition de ce romancier mexicain, à sa capacité d’entrer en empathie avec la part la plus intime de ces penseurs, ainsi qu’à sa réelle virtuosité quant à la composition de ce texte : les formes les plus diverses s’y côtoient (confessions, saynètes, bouts d’essais, interviews, articles de presse, etc.) et donnent à l’ensemble une vitalité qui procure souvent du plaisir et témoigne d’une intelligence du récit. Au rang des morceaux de bravoure qui jalonnent La Fin de la folie, on mentionnera le passage au cours duquel, dans l’avion qui les ramène d’une visite au Chili d’Allende en 1971, Castro demande « une petite séance d’analyse » au « docteur Quevedo ». Celui-ci en profitera pour faire entrevoir au dictateur la possibilité que l’histoire lui donne tort, « que le communisme n’ait été qu’une gigantesque erreur »
Mais il en est de ce roman comme de certaines superproductions cinématographiques : on a cherché à fusionner l’intime et l’Histoire, fait alterner scènes d’intérieur et grands espaces en technicolor. Le spectateur en a plein la vue ; il n’en est pas pour autant ému.

La Fin de la folie
Jorge Volpi
Traduit de l’espagnol (Mexique)
par Gabriel Iaculli
Plon, 395 pages, 23

Indomptable Anibal Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°49 , janvier 2004.