La traduction intégrale du Zibaldone jusqu’alors n’existaient en France que des recueils anthologiques (chez Allia, José Corti, Rivages, Le Temps qu’il fait) est un véritable défi éditorial, mené par Gérard Berréby, fondateur des éditions Allia, et un jeune traducteur de 32 ans, Bertrand Schefer. Tout a commencé en 1998 lorsque ce dernier co-traduit un choix d’extraits du Zibaldone sous le titre de Tout est rien. L’aventure est lancée. Elle durera presque six ans. « Je me suis retrouvé seul face à l’énorme Zibaldone sans avoir vraiment pris la mesure de l’énormité du travail. J’ai bien sûr désespéré d’arriver un jour au bout, jusqu’à même m’en dégoûter », explique Bertrand Schefer, universitaire de formation (philosophie, esthétique, histoire de l’art) et traducteur entre autres de Les 900 conclusions philosophiques, cabalistiques et théologiques de Pic de la Mirandole (Allia), et du Sur la lumière de Marsile Ficin (sa thèse porte sur cet humaniste renaissant). « En un an et demi je n’étais parvenu qu’à moins de la première moitié du Zibaldone. C’est de plus un livre qui avance exponentiellement en difficulté. Puis le projet fut suspendu pendant deux ans, le budget était épuisé. » Bertrand Schefer se remet à l’ouvrage fin 2001 : un an de traduction chevronnée, des milliers d’heures passées ; puis relecture totale à Rome ; puis épreuves à Paris (quinze ramettes de papier nécessaires !) « Après re-relecture, j’ai finalement réécrit presque toute la traduction dans les marges. J’avais entretemps mûri, et peut-être trouvé le rythme réel du Zibaldone ». On pourrait parler ici d’épreuves éprouvées. À travers la multiplicité croissante des écritures (de la remarque impressionniste à la note technique philologique), s’ajoutent des phrases longues parfois de dix pages auxquelles le traducteur a dû trouver le rythme par de savantes ponctuations et jeux de syntaxe. C’est le miracle de ce travail, pour une œuvre dite intraduisible.