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Domaine français Le rêve de Lithos

mars 2004 | Le Matricule des Anges n°51 | par Éric Dussert

Explorateur d’une étrange province, Jacques Abeille a découvert les jardins fantastiques où poussent les statues. Un chef-d’œuvre.

Les Jardins statuaires

Si l’on ajoutait un bandeau à la réédition du Jardin statuaire de Jacques Abeille, il mentionnerait « Attention : classique » sans être mensonger. Et Bernard Noël ne pas dit autre chose dans sa préface lorsqu’il place le Bordelais auprès de Buzzati, Coëtzee, Gracq ou Puységur (La Grande Bibliothèque, 1984). Premier volume du Cycle des contrées, Les Jardins statuaires (Flammarion, 1982) forme avec Le Veilleur du jour (Flammarion, 1986) et La Clef des ombres (Zulma, 1991) un ensemble énigmatique au charme puissant. Un « rêve éveillé » dit en substance Bernard Noël tant il est vrai que l’univers d’Abeille est troublant, formidablement présent et autonome, quoique de pure imagination.
Adepte de l’exploration ethnographique, Jacques Abeille a envoyé son narrateur au pays des Jardins statuaires, une curieuse région bardée de traditions dont la statue est une spécialité locale, voire l’industrie principale, c’est-à-dire un artisanat. Et de fait, les jardiniers y plantent, soignent, transplantent et taillent avec beaucoup de soin des statues. Derrière les murs de propriétés consacrées à cette culture inédite, un monde vit avec ses usages, ses rites, ses étrangetés. Passe que les statues soient atteintes d’une lèpre épidémique, il existe des cérémonies pour s’en débarrasser. En revanche, le sort fait aux femmes recluses est plus douloureux lorsqu’elles songent à respirer un peu. La rude Guilde des Hôteliers veille notons au passage la présence d’une Vanina qui pourrait s’être enfuie du pays d’André Pieyre de Mandiargues et l’on devine à quel point les écrits érotiques ultérieurs de Jacques Abeille (sous divers pseudonymes) figuraient en germe dans ce roman magnifique.
Cet univers est assurément fondé sur une vision forte. L’esprit ne s’en détourne jamais parce qu’il n’y flaire ni le roman traditionnel ni le conte à malice. On se laisse immerger, on se laisse prendre. Preuve que les vertus de ses phrases sont hallucinantes.
Issu de l’orbe du surréalisme d’après-guerre, Jacques Abeille est à l’évidence un grand créateur dont l’imaginaire sans borne commune et la méticulosité un peu folle sont incomparables. Il faudrait pour donner d’utiles comparaisons évoquer peut-être l’Erewhon de Samuel Butler et intégrer Les Jardins statuaires au prestigieux corpus des utopies, avec Schrum-Schrum ou l’excursion dominicale aux sables mouvants de Fernand Combet (Pauvert, 1966) et L’Odyssée fantastique d’Arthur Dément (Losfeld, 1976) qui ne diront malheureusement rien à personne. Quoiqu’il en soit, on attend avec impatience une nouvelle édition du Veilleur du jour, le deuxième opus du « Cycle des contrées ». Dès lors, il serait honteux pour les habitants de notre propre contrée que Jacques Abeille eût à prononcer les mots qu’il place dans la bouche de son narrateur : « Je ne constate guère cet empressement fiévreux autour de nous, que devrait me valoir une grande notoriété chez les jeunes gens de la contrée. »

Le Jardin statuaire
Jacques Abeille
Éditions Joëlle Losfeld
340 pages, 23

Le rêve de Lithos Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°51 , mars 2004.