Le père Hafez, ses trois fils, son frère, une servante, une prostituée, une entremetteuse, les personnages de cette comédie en trois actes, Les Fainéants dans la vallée fertile, adaptation du roman du même nom, ne font rien, rien, rien, à part palabrer, se pavaner et s’affronter. Pour s’occuper, on complote un mariage ridicule, dont les vaines péripéties alimenteront une parlote sarcastique permanente et crescendo où s’entremêlent méchanceté et paresse, vice et hargne. « Je suis fait pour dormir et vivre dans un coin, loin des hommes. Écoute, Imtissal, j’ai peur des hommes. Ce sont tous des criminels qui veulent toujours faire travailler les autres. (…) Quand j’étudiais pour être ingénieur, on nous a fait visiter des usines. C’étaient de grands bâtiments d’aspect sinistre, j’y ai passé les moments les plus pénibles de ma vie. J’ai vu les hommes qui travaillaient dans ces usines, ce n’étaient déjà plus des hommes. Ils portaient le désespoir inscrit sur leurs visages. Si j’ai abandonné mes études, c’est uniquement pour ne pas devenir le chef de cette horde d’agonisants. » Les savoureux portraits et quelques piques politiques (« Le gouvernement (…) aime le silence. Le silence de tout un peuple est pour lui le gage d’une parfaite soumission »), font de la pièce une comédie de mœurs au vitriol, drôle, épineuse, agréable à lire, mais finalement un peu légère. Albert Cossery, écrivain égyptien de langue française, a reçu en 1990 le Grand Prix de la Francophonie pour l’ensemble de son œuvre.
Les Fainéants dans la vallée fertile
de Albert Cossery
Éditions Joëlle Losfeld, 121 pages, 10,5 €
Domaine français Comédie de mœurs au Caire
avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52
| par
Ludovic Bablon
Un livre
Comédie de mœurs au Caire
Par
Ludovic Bablon
Le Matricule des Anges n°52
, avril 2004.