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Poésie Poésie de plage

avril 2004 | Le Matricule des Anges n°52 | par Xavier Person

Alternant polaroïds et poèmes, le livre de David Lespiau se feuillette comme un flip book sentimental. La poésie est photographique, la photographie est poétique.

La Mort dans l’eau l’âme download est un vrai livre de plage. Offrant une suite de courts poèmes en regard de 85 « polaroïds de plage », il pose à sa manière la question des vacances et du bord de mer, se donne à lire dans une vacance, une poésie vacante, pourrait-on dire, une sorte de « conscience zéro ». Pouvant être feuilleté un peu comme on le ferait d’un flip book, jouant beaucoup de la reprise, de la répétition, ainsi que du resserrement ou de l’élargissement de la focale, les images et les textes fabriquent quelque chose comme l’effet d’un film à la pellicule crépitante, chercheuse, sentimentale bien que d’une narration discontinue, avec des effets de brouillages et de coupes, des passages à vide et des luminosités autant mouvantes qu’émouvantes (difficile de ne pas un tant soit peu penser à « This side of paradise », où Jonas Mekas filmant les vacances des enfants Kennedy offre quelques images de bonheur estival, saisies sur le vif de cadrages et d’un montage hyper sensible et mobile).
Le titre le dit à sa manière, il y aurait dans « l’âme » de ce livre, dans sa poésie, quelque chose du téléchargement, à savoir peut-être quelque chose de numérique dans l’image, dans ses effets de pixellisation, à savoir aussi, dans les poèmes, un effet de compression des données avec scintillations : « la vision se dérègle en phase/ avec les branches du système/ nerveux sentiment sourd d’orage ». Composés en carrés équivalents du format des photographies, les poèmes de huit vers de huit pieds chacun sont, comme les photographies, des objets partiels, découpages sur détails, découpage du détail, le vers laissant entre les mots ou les groupes de mots assez de blancs pour donner l’impression du punctum. Un pointillisme des sensations se précise, dans des vers comme flottants, plus faits pour être regardés que pour être lus peut-être, proposant au regard en tout cas une certaine mobilité.
Un peu comme le drapeau « délimitant la zone au bain », le poème est un carré arbitraire dont on pourra considérer la surface en tant que telle, étale. Procédant par glissements et condensations, déplacements légers, il fait de l’ensemble comme un bloc de sensations aplati, mais qui dans l’espace parfois entre les mots semble désolidariser ceux-ci les uns des autres, dans une suspension. Comme le titre du recueil, chaque poème serait dès lors comme lisible sans hiérarchisation, à plat, ses côtés égaux, ses vers interchangeables, qu’on peut imaginer bougeant comme des striures horizontales avant réglage de l’écran.
Images discrètement idylliques, fonctionnant comme les fragments sensibles d’un bonheur estival, chargés de mémoire vive, avec chacun ses parts d’ombres et d’éclaircies, les textes sont comme les images en tous points photographiques. Champs clos procédant de l’action de la lumière, et c’est sans doute ce qui pointe dans l’efficacité du punctum, comme dans l’éblouissement d’une réverbération parfois, les poèmes sont poignants à leur façon, ouvrant de menues béances sur la ligne du vers, « délimitant la zone au bain/ comme le sentiment du vide », révélant ce qu’on n’aurait pas forcément vu s’il n’y avait eu cette fixité photographique, cette immobilité : « voir d’en bas les plongeoirs en haut/ semblant déféquer les corps prêts/ à plonger dans rien la hantise ».
« Figuration de la face immobile et fardée sous laquelle nous voyons les morts » selon Roland Barthes, la photographie sera bien ce qui, sans pathos mais avec précision, mettra l’âme à l’eau et la mort dans l’âme, « download », la mort dans l’eau. La reprise d’une page à l’autre, à l’identique, de certains poèmes et de certains polaroïds, vient renforcer ici l’effet de reproduction photographique, dans une sorte d’avancée zéro qui dit bien la nature tautologique de ce médium, tout autant que la littéralité de cette poésie qui donne à voir sans se donner à voir. La minceur du poème est celle de la photographie, elle glisse en surface, parcourt sa surface dans la succession méticuleuse des vers, ne révélant d’autres profondeurs que dans ce glissement même, de l’eau contre le corps du plongeur, du sable sous celui du plagiste lors d’une sieste d’après beach volley « match lune un soleil/ zéro », du souvenir dans la tentative d’une conscience, du temps dont il est question ici, avec des nostalgies brèves, flash-back : « d’images de sons suspendus/ en mémoire à chaque journée/ re-visionnés ré-écoutés ».
Puis les poèmes glissent, c’est l’heure de la sieste, ce livre est un très beau livre de poésie spécial sieste, vendu avec crème solaire et lunettes de soleil il est l’accessoire idéal de vos vacances.

La Mort dans l’eau
l’Âme download

David Lespiau
Spectres familiers
Non paginé, 15

Poésie de plage Par Xavier Person
Le Matricule des Anges n°52 , avril 2004.
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