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Entendu à la radio Ce ne se feu

juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55 | par Valérie Rouzeau

Je ne témoignerai ici d’aucune écoute d’aucune émission de radio, n’en ayant pas suivi une seule dans son intégralité depuis des semaines. Je n’allume pour ainsi dire jamais la radio aux seules fins d’obtenir une espèce de bruit de fond rassurant et si je dois m’appliquer à quelque tâche ménagère, pour « rythmer l’action » je mets plutôt un cédé (du rock ou du blues en général mais aussi, l’économe en main, les violes et autres cordes fabuleuses d’une fantaisie champestre de Marin Marais ou encore des chants médiévaux, trouvères et troubadours) quand pas rien. Je ne suis pas fâchée avec le silence. Des douzaines d’usages que l’on peut faire de la radio, certains sont beurk dégoûtants parce que commerciaux d’abord ainsi au supermarché s’agit-il de vous assommer dans le seul but de vous soutirer un max de monnaie. Et on a beau connaître la chanson… Bref. D’autres sont, quasiment, pratiques : antidote au sommeil pour le chauffeur routier national comme international qui doit trafiquer ses disques, roll on big wheels oblige ; camouflage de bruits que l’on ne veut être entendus au petit coin pouvoir aller (sens premier du verbe, étymologiquement « ça va ? » a d’abord signifié le souci de la santé via les intestins de l’autre) tranquille donc. Etc. Média formidable et résistant, machine à tuer aussi : confer par exemple le témoignage de Jean Hatzfeld à propos des massacres au Rwanda (« La radio joue un rôle important dans le conditionnement des Hutus. On les élève dans la haine des Tutsis après leur avoir enseigné le mépris… ») 1 ; confer les beaux forts livres je me permets d’encore et encore le citer d’Armand Robin… Ces dernières semaines disais-je, sauf le strict minimum de nouvelles du monde flashes vite sur France Info, un peu de météo pour bien choisir la bonne paire de chaussettes, je me suis complètement passée de radio. J’étais dans un livre ou dans mes pensées. J’étais juste bien en Côte d’Ivoire à Saint-Ouen d’écouter le grand rire de ma voisine. Envolée à Melle dans les Deux-Chèvres avec Adrien Mélampos p
Avec tout le temps passé pour ma part sur les rails, dans le train les portables (téléfons et ordinateurs) l’emportent, mais on est toujours comme d’ailleurs dans le métro quelques-uns à lire, du moins à essayer. La radio je crois n’a pas d’auditeurs dans les wagons lancés à plus ou moins très grande vitesse de la cenesefeu. Ce sont des lasers qu’on écoute au balladeur (j’ajoute une aile exprès comme Edmond Thomas vient de m’offrir Les Oiseaux de Tarjei Vesaas, j’ouvre : « Un jour, il n’y aura plus de passée de bécasses. Et un jour, il n’y aura plus de bécasse… » ce sera pour le Paris-Charleville stop à Reims de dimanche prochain). On pourrait rêver d’une radio bienveillante créée à l’intention des voyageurs : un Joël Collado y ferait figure de prophète ou de voyant (sur toutes les lignes s’entend !) et, quitte à subir de temps à autre certaine pollution sonore, ce ne serait enfin plus celle du quinqua qui parle fort dans son téléphone (portable option téléphone) des fois qu’on n’ait pas tous bien entendu qu’il a quarante-douze maîtresses et commande le monde (cette chose impensable qui tourne autour de lui). Radio cenesefeu se préoccuperait de ciels et de soleils, de la grand’tante du petit Tancrède, de la ponctualité des horloges. Elle embaucherait Denis Lavant et Jacques Bonnaffé pour nous lire André de Richaud et Jean-Pierre Verheggen (s’accordant évidemment le droit de prendre les bonnes choses là où elles se trouvent). Elle se consacrerait à « ce grand plaisir de revenir au vecteur émotionnel de base : la voix » 3, oublierait le football et la politique. Radio cenesefeu vous parlerait d’Abyssinie en pleine traversée de la Champagne Pouilleuse, elle n’oublierait pas le centenaire de la naissance de Jean Follain. Comme Ernestine, qui écrit partout, elle causerait partout, elle causerait de tout, elle causerait de tout partout et partout de tout, tout le temps du voyage. Radio cenesefeu serait la seule, l’unique à annoncer le sommaire du prochain Matricule des Anges une lune à l’avance. Ce serait la station des gens barrés, et bien barrés, autant que faire se peut ! Elle diffuserait l’expression du monde, les paroles de la repasseuse ou les bons mots du boulanger mais aussi le cri de la bécasse avant le coup de fusil, le chant de la grenouille verte au printemps (je veux dire, sur le même plan exactement, comme si bécasse et grenouille s’adressaient à nous directement) en plus des annonces du contrôleur-poinçonneur, des états d’âme du conducteur de la loco… Radio cenesefeu nous porterait légers jusqu’à Byzance, l’Orient, expressément ! Elle diffuserait l’impression du monde… Mais cette radio n’existe pas et le gros boss quinquagénaire continue de nous casser les oreilles, vite dit poliment. Il faut pourtant qu’Ernestine lui mette un mot un de ces jours (« mettre » convient particulièrement, plutôt qu’« écrire », non pas parce que c’est la formule consacrée aujourd’hui mais comme je pense au complément d’objet genre « un pain » ah que ce sale type aille se faire, hein, par la chère Ernestine !)

… et le train de la vie est entré dans la gare 4

Valérie Rouzeau

1 La Quinzaine littéraire, 16-31 septembre 2003, propos recueillis par Norbert Czarny
2 Centre de Création pour l’Enfance, Michel Fréard, 8 rue Kleber, 51430 Tinqueux (Aquatintie, banlieue rémoise)
3 Bribe saisie lors de la diffusion de l’émission Equinoxe de Caroline Bourgine le 7 juin 2004
4 Henri Droguet, La Main au feu, Gallimard, 2001

Ce ne se feu Par Valérie Rouzeau
Le Matricule des Anges n°55 , juillet 2004.
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