Les exercices d’admiration peuvent se transformer en autoportrait : c’est ce qu’on se dit à la lecture de D’un pays pâle et sombre où Pascal Commère, en des textes aux tons différents salue huit écrivains. Non qu’il profite des hommages pour tirer à lui la couverture du livre. Ces « salutations » découlent assurément d’une forme de générosité dans quoi le narcissisme n’a pas sa place. Mais en saluant Jean-Claude Pirotte et son « âme cavalière », Jean-Loup Trassard, André Frénaud ou Gustave Roud, Commère tourne autour de ses propres obsessions, préoccupations ou élans. L’écrivain ira même jusqu’à traquer l’apparition des bêtes dans l’œuvre de l’ami Serge Wellens, comme si, dans les œuvres, il importait de se trouver des points communs. C’est aussi une façon de se désigner frères en littérature. Évoquant Trassard, Commère commente le lien qui attache le romancier de la Mayenne à sa demeure : « Ce caractère immuable, tout fils revenant en sa maison natale en éprouve la charge ». Pascal Commère sait de quoi il parle.
Mais plutôt que de relever les similitudes entre les auteurs évoqués et leur lecteur, on portera l’attention sur la manière avec laquelle l’œuvre d’un écrivain fait résonner mille cordes sensibles chez le poète. On voit se constituer tout un réseau de sens, le sentiment que quelque chose se joue dans ces écrits épars, rassemblés sous le regard d’un même lecteur averti. Une connivence (parfois une même souffrance) qui n’aurait pour s’exprimer que les rayons des bibliothèques et le silence de la lecture.
Aller d’amont, lui, s’intéresse à d’encore plus anonymes que les écrivains (qui le sont déjà beaucoup). Fruit d’une résidence à Bois d’Amont en Franche-Comté, pays où l’on fabriquait des boîtes de fromage en épicéa, le récit porte un regard méticuleux et respectueux sur les ouvriers et les paysans du Haut Jura, retraçant au fil d’une plume acérée toute une civilisation qui n’aura bientôt plus sa place que dans les musées car « ce qu’elles savaient les mains jusqu’alors, gestes minutieux et précis tant de fois répétés au cours des générations, les machines le réalisent désormais. »
Deux livres écrits à la source d’un humanisme inquiet.
D’un pays pâle et sombre Le Temps qu’il fait, 171 p., 17 €
Aller d’amont Virgile, 63 p., 10 €
Dossier
Pascal Commère
Frères de lettres
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
| par
Thierry Guichard
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