Deux marins montent une route poussièreuse sur la côte ouest du Panamá. « Les quartiers-maîtres de seconde classe Homer et Olmann » ont, dessiné, un plan en poche. Leur carte du trésor doit les conduire dans une vallée où ils pensent trouver un bordel tranquille. Loin de celui où les autres hommes d’équipage passeront la nuit. Homer semble veiller sur Olmann, chien fou aux pensées enfantines. « Les deux hommes d’équipage marchaient l’un à côté de l’autre et parfois leurs épaules se touchaient, alors ils s’écartaient, et puis au bout d’un instant ils se rapprochaient, et de nouveau ils se touchaient. » Ils peuvent aussi se parler avec peu de mots dans des phrases qui n’en ont pas besoin de beaucoup. Imaginer ce que sera leur nuit, ce que les autres diraient, s’ils savaient. C’est qu’ils ont trouvé l’établissement promis. Des hommes jouent aux cartes, les filles épient, rient un peu et posent des questions, la patronne réquisitionne un volontaire pour la cuisine. Et Pedrico, posté sous la véranda avec son revolver rêve de poissons volants.
Il se peut que tous aient existé. Que des filles comme Maria soient à leur façon un mélange d’Olmann et Homer avec leur connaissance de la vie et leurs enfantillages. Il se peut qu’au Pananá ou ailleurs un gamin nommé Pedrico ait dû un jour prendre la fuite et attendre toute sa vie que sa mère le retrouve. Quelle importance ? Une fois encore, Hubert Mingarelli tisse une histoire avec des bouts de silence, des détails saisis par un regard attentif, et l’on reste, le livre fini à regarder vers l’horizon avec, en soi, les voix de ceux-là qu’on entend encore.
Hommes sans mère de Hubert Mingarelli
Le Seuil, 165 pages, 14 €
Domaine français Une nuit sur la terre
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
| par
Thierry Guichard
Un livre
Une nuit sur la terre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°55
, juillet 2004.