Si les chants désespérés se révèlent souvent comme les plus beaux, les livres évoquant la dépression nerveuse et autres turbulences de l’âme apparaissent rarement comme les plus engageants. Un bémol pour Penser à respirer, premier roman de Janice Galloway, paru en 1989 qui évoque la désespérance d’une femme qui vient de perdre son amant. Ce n’est ni la justesse de ton, ni la densité du contenu qui font l’intérêt de l’ouvrage, mais plutôt l’éclatement de sa forme, allers et retours, énumérations-réitérations des faits qui ponctuent une journée, zooms ralentis sur les petits gestes du quotidien, décryptage des pensées des différents protagonistes en surimpression de la narration. La présentation typographique prolonge cette fragmentation en utilisant différents lettrages, en incluant formules publicitaires, poèmes, interjections, cartes postales etc. Si la noirceur, le ressassement sont bien présents, une clarté, une dimension lumineuse, une fraîcheur s’installent peu à peu, faisant respirer le texte. Le lecteur se trouve d’emblée impliqué dans la confidence, la reconstruction de l’héroïne qui peu à peu arrive à s’affirmer et à se révolter contre le monde futile, consumériste ou bien médical qui l’environne. Janice Galloway fait partie de la « nouvelle renaissance de la littérature écossaise ». Moins trash qu’Irvine Welsh, tout aussi sensible, révolté et profond, sinon plus.
Penser à respirer de Janice Galloway
Traduit de l’anglais par Élisabeth Luc
Le Passeur, 280 pages, 18 €
Domaine étranger Scottish coffee
juillet 2004 | Le Matricule des Anges n°55
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Scottish coffee
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°55
, juillet 2004.