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Domaine étranger Le grand passage

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Emmanuel Favre

Dix ans après, Péter Nádas revient sur sa mort clinique. Le livre d’une vie à la frontière des ténèbres et de la lumière.

Comme Péter Esterházy et Imre Kertész, Péter Nádas est un véritable monstre sacré de la littérature hongroise. Son Livre de mémoires, fruit de onze années de travail, lui a valu notamment d’être comparé à Thomas Mann, Musil ou Proust. Le prix Franz Kafka lui a été décerné en 2003 « pour l’ensemble d’une Ïuvre marquée par l’humanisme et la tolérance ». Il s’en est fallu de peu néanmoins pour que tout s’achève brutalement il y a une dizaine d’années. La Mort seul à seul est en effet le récit de sa mort clinique suite à un infarctus du myocarde. À 51 ans, Péter Nádas peut alors se prétendre au zénith de ses capacités physiques et intellectuelles. « Pas un jour ne passait que je ne songe à ma mort violente, par meurtre ou suicide, mais sauf de très rares fois, l’idée de mourir malade ne m’effleurait même pas ». Certes notre homme boit des hectolitres de café et fume plus que de raison lorsqu’il est attelé à sa table de travail, mais à part ça son hygiène de vie est irréprochable. Nadas court, nage, effectue lui-même les travaux que nécessite une maison à la campagne. « Une fois fini mon ouvrage quotidien, je travaillais régulièrement de mes deux mains, à sarcler, à bêcher, à faucher. Des biens du monde, je ne voulais pas consommer davantage que ce que je cultivais avec ménagement. Je ne crois pas que mon poids dépassait de plus de deux cents grammes la moyenne requise. Des graisses animales, de la viande, j’en mangeais à peine… »
Tout débute par une belle journée ensoleillée. Très vite Nádas se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond : « Quelle journée magnifique, tentai-je de me convaincre, mais mon corps, lui, ne l’entendait pas de cette oreille. Dès que possible, je changeais de trottoir pour marcher à l’ombre. » Son rendez-vous chez le dentiste prend des allures de supplice magyar, l’air venant à lui manquer, il doit quitter précipitamment la brasserie où il s’est réfugié. Avec une lucidité et un sens aiguisé de l’observation, Péter Nádas déroule le fil de cette journée qui vire au cauchemar. Cette acuité n’empêche d’ailleurs pas l’humour, comme lorsqu’il est pris en charge par une infirmière aux allures d’ancienne égérie de Russ Meyer : « Peu après vint à moi, grande, forte, courte vêtue dans sa blouse blanche, une fausse blonde en train de croquer un gros cornichon. »
Mais le plus remarquable réside dans la manière dont Nadas nous fait pénétrer ce mystère insondable qu’est la mort. Alors que certains auraient délibérément joué la carte de la sensiblerie, lui fait le choix de l’abstraction pour nous faire partager son expérience : « En me plaçant au niveau de l’abstraction pour regarder en arrière, j’appris, avec l’indicible joie de partager ce savoir profond, que Samuel Beckett dit par là vrai. Ma mère avait mis le corps au monde, au monde où moi, je mettais maintenant ma mort. » Une force phénoménale l’entraîne vers une source de lumière et le pourtour d’une grotte aux allures d’utérus, avant de l’en détourner : « L’entrée était ovale, d’une forme ovale, longitudinale. Un ovale doucement effilé, très incurvé à droite (…). Pendant que la force m’emportait vers elle, une quantité prodigieuse d’autres choses se jouait dans ma conscience ouverte et prête, semblait-il, à s’ouvrir davantage encore. Si je franchis cette frontière entre ténèbre et lumière, alors, je le sais, on n’en revient pas. S’agissait-il là de ma naissance ou de ma mort, je n’aurais su trancher. Un peu de chemin restait encore à faire, je ne pouvais en venir à bout. »
Également photographe, Péter Nádas entremêle à son récit une sélection de 160 clichés consacrés à un seul et même sujet pendant une année : un grand poirier sauvage, symbole de la nature toute-puissante et du temps qui passe. Texte et image se fondent ainsi en courtes séquences, parfois ramenées à une seule phrase. Sans tomber dans l’esthétisme ou la recherche conceptuelle, cette mise en espace souligne au contraire la puissance poétique d’une langue, venue puiser dans ce qu’elle a de plus intime et de plus retranché.

La Mort
seul À seul

Péter NÁdas
Traduit du hongrois
par Marc Martin
L’Esprit des péninsules
288 pages, 39

Le grand passage Par Emmanuel Favre
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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