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Égarés, oubliés Profession : sauveur du verbe

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Éric Dussert

Le « Sauveur du lyrisme français », Auguste Boncors, naquit en Bretagne. L’emphase hyperbolique du rentier vira au tragique par la faute des dieux.

Épinglé naguère dans la belle Anthologie de la poésie naturelle de Camille Bryen et Alain Gheerbrant (K éditeur, 1949) où figurent à ses côtés Jean-Pierre Brisset et Gaston Chaissac, Auguste Boncours reste un inconnu. Si Jean-Paul Goujon et Dominique Poncet lui consacrent ici une intervention d’un récent colloque consacré aux fous littéraires (Du Lérot, 2004) et là un réquisitoire justement emballé dans La Main de singe (N°2), ce Boncors fut à la fois une comète discrète qui montait haut et un rameur lent confiant en sa barque. Avait-il raison ?
André Blavier d’abord lui consacra une belle place dans ses Fous littéraires (Des Cendres). On lisait sous sa plume d’entomologiste le premier commentaire conséquent d’une œuvre à prendre avec des pincettes et des pages choisies d’une littérature bigrement étonnante. Il n’était pas le seul à céder au charme du bonhomme. Robert Desnos avait émis des signes bienveillants vers cet aptère de Bretagne. En 1937, il avait eu en retour le droit, ce « très illustre et éminentissime frère spirituel, Robert Desnos », à une « Dédicace fraternelle ».
« Poète Impérial » par la grâce des dieux, Auguste est breton, un peu illuminé et fort poilu comme le montre une photographie en maillot de bain. Fils d’un horloger et d’une quincaillière de Rostrenen, Auguste Paul François Marie Boncors naquit le 25 mai 1905. À 25 ans, il avait perdu mère et père et à 30 une grand-mère à laquelle il consacra les quinze pages en vers de son Requiem Aeternam, une élégie suivie d’une Résurrection de Sappho bien-aimée en sonnets où il est question de la « large fesse » de l’antique. Élève du collège de Campostal (Rostrenen) puis du collège Saint-François de Quintin, l’élève Boncors sera expulsé pour avoir été surpris nu dans une malle par un curé, puis exclu par les frères de Saint-Brieuc pour insoumission.
Si l’on en croit l’entretien par lui donné au Télégramme de Brest en 1971, l’inspiration lui vint alors qu’il était élève de l’école d’horlogerie de Dreux, après qu’il a composé une « narration admirable » sur l’horloge astronomique de Strasbourg. Premier signe du destin car en reprenant la boutique de son père il reçut aussi une fortune en héritage qu’il mit dix ans à dilapider. Ne sortant jamais en ville (1930 habitants) sans avoir coiffé son chef d’une couronne de lauriers (véridique), celui qui allait devenir le barde de Rostrenen ne passait pas inaperçu. Passionné par les deux-roues, il se livrait à mille fantaisies au guidon d’engins à pédales ou à moteur. Louis Guilloux s’est souvenu de ses exploits (Absent de Paris, Gallimard, 1950), lesquels consistaient à plonger dans la piscine attaché à son vélo ou à traverser la bourgade allongé sur une moto lancée à cent à l’heure, les bras en croix.
Farfelu granitique, autoproclamé « le plus grand poète du monde », il publie en 1937 le premier volume des Odes triomphales dont la seconde partie sortira deux ans plus tard. Dans la foulée, il se rend à Paris où, bien entendu, on l’acclame, selon ses dires. Et lorsqu’à cette occasion on le compare à Lautréamont, Boncors s’exclame : « Ma surprise en fut prodigieuse, je m’attendais à un parallèle avec l’auguste Pindare ». Et puis il l’avouera : « J’ai du Tolstoï dans les veines, et probablement du Sénèque ». Et pourquoi pas ?
Il a donné là l’essentiel d’une œuvre pleine d’envolées orgueilleuses qui l’ont fait parfois comparer à Lautréamont sa grande obsession avec Napoléon et, ce n’est pas rien, à Raymond Roussel. Évidemment, la critique littéraire met le versificateur au piquet. Trop incontrôlable. Il s’en venge dès lors avec la majesté qui lui sied : « La critique me fait l’effet d’une équipe de balayeurs frottant l’asphalte à l’issue des solennités de mon triomphe inouï. » Amer sans doute, grandiloquent plus sûrement encore, il rempile et fourbit ses agacements : « Ah ! Que j’en ai connu, d’imbéciles ! Mon inflexible misanthropie résulte de cette âpre et cruelle expérience des âmes douées de haute aperception leur permettant de scruter si profondément l’animale indivuité du profane, qu’elles n’y rencontrent qu’égoïsme insatiable et sordide lâcheté. »
Face à l’incompréhension, Boncors fixe par écrit qu’il ne prendrait épouse qu’à la condition d’avoir rendu tout son suc génial. Il reste par conséquent célibataire mais s’équipe d’une muse, Bettina, car il faut une walkyrie à ce Wagner-là. Il donne encore un Chant national à Guynemer en 1938, ajoute à sa bibliographie Trois Orphées aux enfers, un volume collectif de trois authentiques bardes composé avec Ronan Pichery-Abroc’hell et F. Jaffrenou-Taldir (Cercle de Brocéliande, 1952), deux supporters de la Révolution nationale purgés à la Libération. Voisinage étrange car Boncors avait connu la déportation lorsqu’un sien cousin le fit arrêter par la Gestapo, le 31 août 1943. Embarqué d’abord pour le STO, il aura fait des siennes encore car il fut par la suite déporté dans les camps d’extermination d’Auschwitz, Buchenwald, Dora et Niederhausen, toutes étapes de l’horreur évoquées dans son Épopée infernale.
Le sort s’acharne. À son retour, il apprend que la femme qu’il aimait a été assassinée en 1944 pour avoir été la maîtresse d’un nazi. Il s’installe alors à Paris et s’engage comme « manœuvre gros travaux » chez Renault, devient druide sous le nom d’Eost Bongorz et disparaît finalement le 27 août 1971. L’ « homme supérieur », le « génie national » fut enterré dans le caveau familial, celui qui fait face à la tombe d’Armand Robin. Ses funérailles ne furent pas aussi impériales qu’il l’aurait souhaité.

Profession : sauveur du verbe Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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