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Poésie Poser ses balises

novembre 2004 | Le Matricule des Anges n°58 | par Emmanuel Laugier

Bouge tranquille est une adresse patiente lancée vers une jeune fille en dérive. Des mots comme les cailloux d’un Petit Poucet moderne….

Patricia Castex Menier est l’une des voix discrètes de la poésie contemporaine. Ses premiers livres furent publiés en 70 chez des éditeurs typographes comme Thierry Bouchard, puis au Dé bleu, enfin à partir de 85, chez Cheyne éditeur. La confidentialité de cette œuvre répond, en partie du moins, à une conception de la poésie qui s’est patiemment forgée sur les expériences qui balisent une vie, et moins sur l’idée qu’écrire fût une simple volonté de production de la langue et de ses agencements. Cela ne veut pas dire pour autant que Patricia Castex Menier n’interroge pas la forme de son poème, mais qu’elle lui refuse son seul crédit démonstratif. Bouge tranquille est à cet égard un livre à part, puisqu’il s’est voulu l’appel aussi bien que la réponse à un être jeté dans le déséquilibre (mental et physique), ici une jeune fille comprend-on vite. Appel d’une mère à sa fille, bien sûr, où se joue le face à face de la pulsion de vie contre celle de mort, de celle qui aura donné la vie à la dérive auto-destructrive d’une vie qui se refuse. Chaque page présente d’abord une sorte d’annonce descriptive, « L’air/a des versants abrupts, qu’on imaginait pas. Peut-être manque-t-il des marches aux escaliers. Tu célèbres l’imprudence, comme si tous les anges descendaient en rappel » ; puis suivront en série deux poèmes, mis en parallèle, chacun de strophes variables, réponses encore suspendues, hypothèses et constats entrecroisant la vérité de ce qu’une jeune fille (ou un jeune garçon) ne voit pas de soi-même : « En/ équilibre sur le trottoir tu vas bon train/tout ton corps en avant de toi/entends-tu dans ton dos/les mots parfois si sales ?/On ne racle même plus de l’ongle/les bords épouvantables de la langue » ou, plus loin : « Devant/nous tu sauterais à l’élastique, n’importe quelle vrille au ventre/pour ébranler la paix ou le sommeil ».
La justesse du poser-flotter de ce poème tient à ce que Patricia Castex Menier travaille là sur le régime d’une voix murmurée, voix, dirait-on, prononcée derrière la chambre des enfants. Ce n’est pas cliché de le dire ici. Le titre en est au contraire l’écho vrai, évident dans ce qu’il déplace et suffisamment abstrait pour ne pas définir son mouvement d’avance. Façon de rappeler la fuite du saut de l’ange, qu’entre foi ou déréliction « Tu/appartiens pourtant au monde tangible,/rien à espérer de l’apesanteur/dont tu entends jouer ». Ce lent plaidoyer pour une vie où bouge le tranquille, une vie où le simple est contenu dans le vif, la hauteur dans l’horizon d’une danse au ras du sol, a la teneur d’un remède. Il lance des navettes de grande santé entre des fils de voix muettes et meurtries, empêchées, cloisonnées. Mais toute la subtilité du livre consiste à maintenir la proximité entre ce qui sauve et ce qui met en péril, pour reprendre la belle pensée de Rilke. La santé n’est pas l’évacuation de la maladie ou son éradication, mais, en somme, le revers d’une même pièce. Tout est contenu dans la façon de la donner (la pièce), qu’on vous la tende ou vous la jette à la figure, et détermine ce qu’il vous en coûtera, la petite santé du ressentiment satisfait ou la largesse du don juste. Bouge tranquille est ce poème pour grandir, il ne surplombe pas la parole de l’autre, mais l’ouvre où tout se tait, « peut-être moitié par honte, moitié peut-être aussi comme espoir indicible » (Rilke).

Bouge tranquille
Patricia Castex Menier
Cheyne éditeur, « Verte »
92 pages, 13,50

Poser ses balises Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°58 , novembre 2004.
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